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Ars Musica I, le goût de l’estampe

Passée du mois de mars au mois d'avril (mais avec des températures plus hivernales que printanières), la nouvelle édition du festival Ars Musica est placée sous le signe de…la Belgique à l'instigation du nouveau directeur de la manifestation : le Français Laurent Langlois. Ce n'est que justice tant la scène musicale contemporaine belge connaît un véritable foisonnement d'esthétiques et de styles, mais c'est aussi une sorte de pied de nez aux séparatistes de tous bords car le talent, lui, ne se limite pas aux frontières linguistiques : à l'image de , né à Bruges mais formé, en partie, à Liège ! Ce concert de l' faisait un peu office de « concert officiel de l'édition 2008 », par la présence de nombreuses personnalités du milieu culturel, mais aussi par la « pré-création » d'extraits du nouvel opéra de qui sera donné en version scénique et complète, la saison prochaine à La Monnaie.

En ouverture de programme, l'ONB proposait Circulating Ocean de . De belles dimensions, cette pièce créée en 2005 au festival de Salzbourg, lors d'un concert assez démentiel de Valery Gergiev et des Wiener Philharmoniker, témoigne de la volonté du compositeur : « d'appréhender le son comme s'il s'agissait d'un élément liquide ». De forme très ordonnée avec différents épisodes dont une évocatrice tempête, la pièce propose un chatoiement sonore resplendissant ; l'oreille se plaisant à trouver des réminiscences de Debussy et de Takemitsu, essentiellement en matière de travail sur les timbres. Moins agitée que la lecture de Gergiev, l'interprétation du toujours excellent , insiste plus sur la logique de la pièce avec une grande attention portée aux détails.

Changement de registre avec le concerto pour violon de . On passe de la conversation philosophique aux brèves de comptoirs tant l'imagination semble viscéralement absente de cette partition. Le premier mouvement fait un peu illusion avec son travail sur les arpèges du violon solo et son instrumentation, mais dès le second mouvement on se situe quelque part entre Mark-Anthony Turnage et sans le génie de ces deux grands hommes, et avec des plâtrées d'effets faciles. La jeune Caroline Widmann et ses serviteurs donnent pourtant le meilleur d'eux même, sans, hélas, parvenir à nous tirer de notre scepticisme.

La seconde partie était dédiée à des extraits de House of the Sleeping Beauties le « futur » opéra de Kriss Defoort. Jazzmen expérimental, travaille ici sur son second opus lyrique après son, désormais mémorable, The Woman Who Walked into Doors (2001). Inspirée des Belles endormies de Kawabata, cette demi-heure de musique nous offre un voyage musical et sensoriel dont le compositeur a le secret. Refusant toute japonaiserie de cartes postales, le créateur évoque un orient tactile et raffiné qui n'est pas sans renvoyer au Hanjo d'Hosokawa, opéra de chambre créé à La Monnaie. Les voix se mêlent à un groupe instrumental d'où jaillissent des éclats lumineux tels des reflets sur un diamant. Certes, il serait difficile, sur une base aussi courte, de présager du devenir de cette œuvre lyrique, mais ces quelques instants nous donnent bigrement envie d'écouter la suite. Les jeunes chanteurs belges, l'ONB et le maître de cérémonie parfument cette musique de milles couleurs.

Il faut encore une fois saluer la haute compétence de qui sait se fondre dans d'aussi différents styles et tirer le meilleur d'un Orchestre National, très engagé dans ces partitions chatoyantes qui mettent bien en valeur les solistes et la cohésion d'ensemble.

Crédit photographique : © Bruno Bollaert

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