- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Nathalie Manfrino, l’autre Nathalie

Révélée « artiste lyrique » par les Victoires de la Musique classique en 2006, n'est pas tout à fait une inconnue dans le monde de l'opéra.

Dans Cyrano de Bergerac de Franco Alfano, paru en DVD, elle incarne une Roxane fort émouvante à la voix diaphane, aux côtés de Roberto Alagna et Richard Troxell. Elle sera Sophie dans Werther, un deuxième DVD qui ne devrait pas tarder à paraître.

Ce premier enregistrement constitue moins une autre victoire qu'un événement majeur. Décidément, cette jeune femme marche sur tous les chemins dans un parcours sans faute. La tâche était pourtant périlleuse et le programme ambitieux. Car si toutes ces héroïnes sont françaises par l'idiome, elles appartiennent à des univers différents et vivent des émotions fort diverses. Apte à caractériser chaque personnage, c'est toute une gamme de sentiments qui passe par la voix. De l'air des bijoux de Faust à la valse de Roméo, dans tous ces sentiers vicinaux empruntés par les Marguerite, Juliette, Salomé, Manon et Thaïs, on retrouve partout à son aise, même dans des lieux moins souvent fréquentés, de Genièvre du Roi Arthus à l'obscur Vasco de Gama de Bizet, ou encore de l'Enfant prodigue à cette autre Chimène de Debussy. C'est la maîtrise parfaite des rôles avec une caractérisation prégnante, un style de chant, coloré d'un merveilleux timbre. Si la voix rayonne de mille feux, les moyens employés pour sertir ces quinze pièces demeurent impressionnants. Toute en subtilité dans sa façon de donner vie à un personnage, elle frémit et nous saisit par une sensualité à fleur de peau dans Thaïs, elle devient véhémente dans Genièvre.

La langue est aussi musique. La diction est tout simplement superlative ; la voix souple, toute en douceur, donne sens aux mots. Voix fraîche, agile, égale dans tous les registres, au médium nourri, à l'aigu assuré, passionné dans les élans dramatiques, c'est un merveilleux soprano lyrique, bien timbré et riche en harmonique. Par l'ampleur des moyens employés, , donne du relief au texte et fait ressortir la fine psychologie des personnages. Elle devient elle-même enchanteresse et courtisane « massenétiennes », amoureuse chez Gounod, d'un lyrisme obsédant chez Bizet. La phrase caressante se mêle aux mystères du prisme lumineux de chaque compositeur et la voix devient fragrance du chant français. À l'écoute de ce premier récital, on se permet de rêver. L'ampleur de la voix lui permettra sans doute d'aborder les grands rôles du répertoire romantique français. Chanteuse mais surtout tragédienne, la voix se fait frisson et nous fait chavirer, de la joie insouciante de Juliette au lyrisme appuyé de Leïla des Pêcheurs de perles, du déchirement à l'abnégation de Genièvre du Roi Arthus.

La place centrale revient tout naturellement aux opéras de Massenet. Un « Adieu notre petite table » fort émouvant avec une émotion épidermique qui culmine à la dernière phrase. Le contre-ré du Cours la Reine coule de source, à l'instar de l'insouciante et désinvolte Manon. Elle trouve fraîcheur et fragilité dans la Gavotte avec une pointe de nostalgie. C'est toujours l'amoureuse éperdue que l'on rencontre avec Salomé de l'opéra Hérodiade « Celui dont la parole… » dans toute sa sérénité vocale. Et la frivolité perd son rang sinon ses droits dans l'air du miroir, « Dis-moi que je suis belle… » de Thaïs.

L', sous la direction brillantissime d', met en évidence un style éminemment français. Le chef d'orchestre, toujours à l'écoute, expose la voix chatoyante de la cantatrice et son écrin sonore dans des couleurs miroitantes.

(Visited 146 times, 1 visits today)