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Mario del Monaco, Renata Tebaldi et les autres chez Puccini

Qui n'a vibré lorsque la radio repasse un disque de Sidney Bechet ou un de Ray Charles qui ont bercé notre jeunesse ? Outre les souvenirs qu'ils ramènent à nos esprits, on en vient à regretter les années durant lesquelles ces vieux disques sont restés dans les oubliettes de nos discothèques.

Alors, les voilà qui renaissent en nous, sans une ride, nous procurant le même plaisir qu'on avait eu à les découvrir. Le 150e anniversaire de la naissance de permet aux producteurs discographiques de révéler à nouveau quelques-unes de ces émotions enfermées.

Comme dans ce coffret d'opéras de Puccini que Decca a enregistrés, pour certains, voici plus de cinquante ans. Passés les premiers instants d'adaptation de l'oreille à des orchestres captés avec une précision acoustique un peu défaillante, les voix explosent dans un époustouflant florilège de générosité artistique. Là, le souvenir fait place au choc. Le choc des voix que les années ont quelque peu effacés de nos mémoires. Quelle énergie, quelle authenticité dans le chant des solistes qui parsèment cette réédition ! D'abord, la voix lumineuse de dont il pourrait être vain de souligner l'extraordinaire phrasé, la sublime ligne de chant. Pourtant, il faut l'écouter, la réentendre pour réaliser combien La Tebaldi portait l'art lyrique à des sommets. Bien sûr, elle n'a pas le dramatique de Maria Callas, sa rivale de l'époque, mais quelle beauté du son !

Dans Manon Lescaut, l'héroïne peut paraître un peu trop gentille mais avec une rectitude et une telle verticalité vocale, le chant d'une Tebaldi excuse tout. A ses côtés, le bouillonnant et débordant ténor délivre sans compter sa générosité vocale. Quel des Grieux ! Amant fou, délirant de jalousie comme de déluges amoureux. Une voix qui souvent frise la saturation de l'enregistrement.

Comment ne pas s'émouvoir à l'agonie de la Mimi de Tebaldi dans La Bohème ? Cette présence dans la mort reste unique et totalement bouleversante. Certes, le Vecchia zimarra que chante divinement un en pleine forme ne peut que motiver les autres protagonistes à se surpasser. Avec le Marcello d' et le Rodolfo de miel de , sans parler de la Musetta de Gianna d'Angelo, la distribution réunit ce que l'opéra pouvait opposer de mieux au tandem Callas-di Stefano qui faisaient les beaux jours du concurrent EMI.

Si Tosca semble moins convaincant que les autres plages pucciniennes de ce coffret, c'est probablement à cause du contre-emploi offert à la trop belle voix du baryton pour le personnage de Scarpia. On reste toutefois profondément touché par le Vissi d'arte aérien de Tebaldi et par l'incroyable E lucevan le stelle d'un noyé dans le désespoir.

Avec Madama Butterfly, le choix de ce deuxième enregistrement de la diva est discutable même si la direction d'orchestre de est superbe. Alors que le rôle-titre est un cheval de bataille de , elle semble moins à l'aise que dans son précédent enregistrement datant de 1951. On se consolera (facilement) avec la prestation superbe de qui signe l'un des plus beaux Pinkerton de l'histoire de cet opéra.

On retrouve le couple mythique de l'opéra - dans La Fanciulla del West, le western de . Le ténor s'y trouve à son aise dans ce rôle qu'il a porté pendant plus de 16 ans sur les scènes du monde entier. Ecoutez son Ch'ella mi creda libera e lontano, quelle voix, quelle puissance, quel legato, quelle intensité dramatique ! Et quelle flamme chez une Renata Tebaldi en pleine possession de ses moyens. Ses aigus sont comme des pistolets pointés sur les micros. Comment, dans ces conditions ne pas libérer Dick Johnson des chercheurs d'or prêts à le pendre ?

Avec Turandot, si Mario del Monaco n'est pas le meilleur Calaf de la discographie, il reste un exemple de probité vocale. A ses côtés, la soprano dans le rôle-titre lance ses questions avec une fougue et une voix impériale qui poignarde. On en oublie la straussienne. Et bien sûr, l'admirable Renata Tebaldi qui sublime Liù.

A compléter cet indispensable coffret pour tout amateur de , Il Trittico qui n'est pas ce que ses protagonistes ont fait de mieux au disque. Ainsi, sorti des plus qu'honnêtes performances de Renata Tebaldi dans ces trois opéras dont elle n'a jamais été la spécialiste, les autres chanteurs laissent à désirer même s'ils sont bien souvent supérieurs à ce que l'on peut entendre sur nos scènes actuelles.

En résumé, près de quinze heures de Puccini avec des interprètes dont l'engagement vocal et orchestral ne laisse aucun doute sur leur authenticité artistique. Jamais ils ne trichent. Et le bidouillage des bandes sonores était moins facile alors qu'il ne l'est aujourd'hui. Alors, même si certains enregistrements ne font pas partie des références du titre, la nostalgie de cette époque d'immenses chanteurs justifie la possession de ces documents.

Et puis, neuf opéras de Giacomo Puccini pour le prix d'une place d'une production actuelle, ce n'est vraiment pas cher !

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