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L’âme slave et le melos russe

15e Rencontres Musicales de La Prée

La quinzième édition des Rencontre musicales autour de la Prée qui avait lieu comme chaque année durant le long week-end de l'Ascension, s'achevait ce dimanche 4 mai sous la haute voûte résonante de l'église Saint-Cyr d'Issoudun. Son directeur artistique assisté cette année par la pianiste russe – fille du fondateur du Quatuor Borodine Valentin Berlinski – avait convoqué interprètes et compositeurs russes pour tenter de cerner « l'influence de l'art populaire chez les créateurs », une thématique qu'il entend poursuivre durant les deux prochaines Rencontres. A noter, cette année, la présence au sein des manifestations musicales des deux réalisateurs en résidence à la Prée, Yann Kassile et Jacques Duron qui visionnaient leur travaux dans la Chapelle de l'Abbaye.

Saluons d'abord – et ceci n'est pas coutumier à La Prée – la venue d'un orchestre de chambre, « Les jeunes de Moscou » fondé en 2003 par les musiciens lauréats de la bourse d'études du Fond « Russian Performing Art » et dirigé par leur chef Valeryi Vorona. Si le répertoire, entièrement vivaldien, qu'ils avaient choisi d'interpréter ce soir avait de quoi heurter l'oreille des stylistes en matière d'articulation baroque et de couleur vénitienne, on ne pouvait qu'être impressionné par la virtuosité et le brillant de la sonorité des deux co-solistes de l'orchestre.

Comme chaque année, avait passé commande au compositeur/ résident de l'Abbaye de La Prée, . Terminant une deuxième année studieuse autant que féconde dans ce merveilleux contexte naturel, le compositeur présentait ce soir « Chemin de traverse », une œuvre écrite pour l'orchestre de chambre des jeunes de Moscou et le violoncelle de . Et pour répondre à la thématique susdite, le compositeur imagine quelques mesures d'une « vieille chanson » harmonisée qu'il fait « fredonner » au départ par l'orchestre avant de soumettre son matériau à une série de variations/métamorphoses souvent induites par le soliste relayé ou rejoint par l'ensemble. Travaillant la matière homogène et ductile des cordes par le biais de divers modes de jeu – le crépitement des pizzicati ou le doux rebond du col legno– Wolff nous invite à suivre cet itinéraire sonore – son « chemin de traverse » menant à la résurgence de l'idée initiale – avec cette âpreté de ton bien personnelle sans cesse démentie par une expressivité chaleureuse et très communicative.

La musique vocale des trois compositeurs russes à l'affiche de la seconde partie du concert ne pouvait trouver meilleurs interprètes que l'Ensemble Intégral – une majorité de chanteurs russes – dirigé par son chef d'origine russe Alexandre Grandé. On est d'emblée séduit par la suavité des couleurs, la plénitude et l'homogénéité des voix souples et profondes. Si le dialogue du violoncelle avec le chœur a capella dans les deux pièces d' est peu convaincant, L'Aube de met en vedette la voix longue et chaleureuse de la basse Kamil Tchalaev et l'authentique « melos » de la langue russe. Débuté par deux extraits de l'opus 18 de Chostakovitch dont on aurait aimé percer le sens poétique – le programme ne fournissait hélas aucune traduction – à l'écoute des finesses d'une texture vocale finement élaborée, le concert se refermait sur deux pages très souriantes du compositeur laissant jaillir très librement la verve du chant populaire.

Crédit photographique : © I. de Rouville

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