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La belle Dafne de Gagliano est digne cousine d’Orfeo et d’Arianna

Écrite à la demande du cardinal Fernandino Gonzague qui l'offrait à son frère Francesco Gonzague à l'occasion de son mariage avec l'infante Marguerite de Savoie, Dafne de  a eu un succès considérable dès sa création en 1608.

Il semble que des retards à la création de l'Arianna de Monteverdi soit à l'origine de cette commande et peut être l'envie d'une saine émulation. Pourtant ceci a dû irriter Monteverdi à plus d'un titre car cette commande qui lui échappait fut particulièrement bien rémunérée alors que lui, encharge des compositions de la cour se débattait avec des problèmes d'argent. Coincée entre l'Orfeo, donné l'année précédente, et l'Arianna qui sera créée peu après cette Dafne offre de bien beaux moments. Si l'Orfeo garde une suprématie incontestable en raison de la variété des moments musicaux, et de la qualité de l'inspiration et si d'Arianna il ne reste qu'un sublime lamento, Dafne est loin d'être négligeable. Contrairement à ce que certains musicologues prétendent, elle n'est pas faite que de recitar cantando lassant.

Cette œuvre bien construite, est un manifeste flamboyant, qui fait bien mieux qu'illustrer les stimulants travaux de l'Accademia degli Elevati à laquelle appartenaient Gagliano, Peri et Caccini !!!. Comme convenu le texte est toujours parfaitement compréhensible et les fioritures vocales sont rares. Mais la fluidité du chant est telle, que l'œuvre semble être un fleuve que rien n'arrête. On y repère de beaux airs, dont celui de Venere et d'Apollo, ainsi que des chœurs en forme de madrigal avec des airs de danse à l'énergie irrépressible. L'élégance du propos est constante, et l'on peut se laisser aller sans craintes de lassitude à ce flot de musique toujours en parfaite harmonie avec le superbe texte de Rinuccini.

Les interprètes de cet enregistrement sont tous excellents et la complicité qui les anime est réconfortante. Les voix sont belles et naturelles, la technique est confortable, mais c'est surtout la diction limpide qui est unique. Tous les chanteurs sont très à l'aise. Une fois de plus , avec son timbre prenant inimitable fait du rôle de Venere celui qui marque le plus. L'orchestre est assez modeste, mais soutenu par un continuo énergique (le théorbe d'André Henrich !), il est dirigé avec souplesse par le violiste Jay Bernfeld. Voilà un enregistrement qui fait mentir les historiens, car l'aisance de composition de Gagliano est à connaître absolument. Ceux qui aiment Orfeo ceux qui rêvent d'une Arianna complète et tous ceux qui veulent comprendre comment est né l'opéra n'hésiteront pas à acquérir cet enregistrement.

La présentation très jubilatoire de ce CD est pleine de sève et d'originalité. Le texte de présentation est une mine d'informations sur cette heureuse époque qui a vu naître le genre opéra grâce aux travaux des Académies florentines. Aucun amateur d'opéra ne devrait ignorer cette œuvre particulièrement agréable proposée ici dans une interprétation proche de l'idéal.

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