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Des Contes d’Hoffmann qui font flop !

Le seul opéra d'Offenbach est une œuvre posthume dont la version définitive n'existe pas vraiment. La part du fantastique est prégnante et l'onirisme dû aux vapeurs de l'alcool doit donner sa cohésion à tout l'opéra.

La dimension Pirandellienne de théâtre dans le théâtre doit ouvrir sur un espace vertigineux avec des visions diverses et un jeu théâtral habile. La richesse de l'orchestration nécessite par ailleurs de grandes voix. On aura compris que monter cet ouvrage est une gageure. Cette production répond à certaines exigences, mais est loin de nous convaincre totalement.

Le dispositif scénique unique d'Ezio Frigerio fonctionne bien. Cette belle architecture métallique situe l'action à l'époque de la création. Gustave Eiffel n'est pas bien loin. Les machineries, automates et véhicules situent l'action en pleine époque industrielle. Les costumes particulièrement colorés et chargés se situent aussi vers la fin du XIXe siècle.

La machinerie qui va broyer Hoffmann est en place et tourne sur elle-même à chaque fin d'acte. D'où vient alors que les divers tableaux, plutôt réussis isolément, se suivent sans vraiment fonctionner comme un tout ? Chaque tableau pris isolément se tient, mais il y a rupture dans la solution de continuité, avec de trop longues attentes entre les tableaux, et au terme de l'opéra la démonstration échoue.

Cela nous donne droit à un final inédit dans lequel les trois personnages féminins et Stella chantent tandis qu'Hoffmann gît à leurs pieds comme un clochard. Pauvre rêve… La fantasmagorie d'amour poétique pour une même femme aux visages pluriels s'écroule. Difficile de savoir de combien de temps a disposé Swetan Michaelov venu remplacer Giuseppe Sabattini dans le rôle-titre. Force est de constater qu'il est complètement passé à côté du personnage. Au plan vocal son seul mérite, est d'arriver à chanter ce rôle écrasant d'un bout à l'autre, chanter mais sans dire le texte…

L'autre rôle écrasant qui domine l'opéra est le diable qui persécute le héros. est confondant d'autorité vocale. La beauté de la voix, l'art du chant sont considérables. Le physique du chanteur est avantageux et il se meut sur scène avec beaucoup d'aisance. Il porte avec élégance de très beaux costumes. Mais cela ne suffit pas pour créer un personnage et sa diction est pâteuse. On comprend donc que l'interaction entre les deux personnages principaux qui devrait lier les scènes ne fonctionnant pas, tout l'intérêt est forcé de se déplacer sur les dames et morcelle la pièce.

L'Olympia de est merveilleuse. La beauté de la voix avec des suraigus ravissants, alliée à une technique parfaite est son meilleur atout, mais la précision de son jeu est tout aussi virtuose. Elle a obtenu un succès personnel bien mérité.

chante Antonia à la perfection, mais le personnage est composé et comme distant. a une forte voix de mezzo qui fait grande impression. Elle porte un costume façon marquise de Pompadour qui lui va à ravir. Est ce suffisant pour ce rôle personnification de la séduction ? Toutes trois ont un commun une maladresse en diction française. Ce sont les autres rôles qui nous reposent de la lecture du surtitrage….

La plus sensationnelle est . Véritable personnage composé avec sincérité et intelligence, son Nicklausse est vraiment très sympathique. Le jeu est aisé, la voix est fraîche, bien placée sur tout le registre, la technique est sure, mais surtout la diction est parfaite. Elle nous réconcilie avec le texte. Rodolph Briand dans le rôle des trois valets a des qualités de diction et de jeu comparables et sa voix est très agréable dans ces rôles trop souvent sacrifiés. Ici ils retrouvent toute leur importance. Christian Jean est un père d'Olympia attachant. Son jeu est très humain et il possède un art du chant français à son zénith. Quel naturel ! Christian Tréguier a cette même justesse de ton et une implication pondérée dans le rôle trop court et si important du père d'Antonia. hérite du rôle si ingrat de la voix de la mère d'Antonia. Sa superbe voix puissante et si admirablement timbrée est un luxe qui lui permet de s'imposer dans le fabuleux trio même si elle est très en retrait cachée derrière un orgue.

La direction d' est efficace, mais manque un peu de subtilité surtout dans l'acte de Venise bien trop pompeux.

Les chœurs sont sonores et peu disciplinés. Scéniquement, ils sont parfois abandonnés à eux-mêmes. Plus de subtilité aurait été bienvenue car les effectifs choraux sont variés dans cet ouvrage.

En somme, il s'agit d'une production très internationale avec de belles voix trop souvent incompréhensibles. N'aurait-il pas été possible de trouver un esprit plus français avec une distribution plus idiomatique, et de garder les dialogues ?

Crédit photographique : © Théâtre du Capitole de Toulouse, Patrice Nin

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