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Le violon en bonne voix

Festival d'Auberive

Aux portes de la Bourgogne, dans la Haute-Marne, cette région où la population au mètre carré équivaudrait à celle de la Sibérie, l'abbaye d'Auberive accueille depuis quatre ans un festival de violon. Chaque année, ce rendez-vous confirme la qualité et la pertinence de sa programmation. Autour de ses maîtres d'œuvre, et , se rassemblent des têtes d'affiches telles que , Xavier Philips, , Nemanja Radulovic, ou

Dans ce monument perdu au cœur de la forêt langroise se conjugue le goût du patrimoine et de l'art contemporain. L'actuel maître des lieux a su le replacer dans son siècle grâce à une grande collection d'art contemporain et aux œuvres d'artistes tagueurs, invités à s'approprier les parties non restaurées de l'abbaye. « Un pied dans le passé, un dans l'avenir », une thématique que prolongent les choix musicaux.

Musique de chambre, symphonique, conférences et récitals se succèdent sur deux week-ends, chacun introduit par l'inénarrable . Les vies de Bach et Dvořàk, à l'honneur cette année, défilent ainsi, ponctuées d'anecdotes historiques ou personnelles, dans une ambiance détendue. Le ton est donné à ce festival qui accueille de grandes pointures dans une atmosphère délicieusement terroir.

De très belles performances ont œuvré à la réussite de cette saison. Samedi, Marie-Pierre Langamet, harpiste de l'Orchestre Philharmonique de Berlin a fasciné dans une transcription de Schumann (Vogel als Prophet op. 82), atemporelle. La jeune violoniste Amanda Favier, remplaçant au pied levé Pierre-Olivier Queyras, a surpris par sa grâce et son goût dans un trio de Schubert aux côtés de chambristes confirmés (Christophe Gaugué et ). Enfin, une très intense dédicace de La Jeune fille et la Mort de Schubert (extrait) a distillé une spiritualité inattendue à une soirée dédiée à un Quatuor « Américain » de Dvořàk, flamboyant.

Amorcé par une captivante histoire du violon avec le luthier Pierre Caradot, le dimanche a compté avec la création française du Concerto pour harpe de l'américain Sebastian Currier. S'il n'a pas fasciné autant que la harpiste, le Concerto pour violoncelle de Dvořàk a combiné les deux. L'ardeur, l'assurance et la musicalité de Xavier Philips se sont assujetti le public et les sens. A son image, l'engagement de l'Orchestre (de jeunes) Prométhée, dirigé par Pierre- Michel Durand, a été exemplaire. La densité des cordes, l'homogénéité des cuivres et la qualité des solistes – clarinette, cor, hautbois,…- est à féliciter. Cela non seulement dans le concerto, mais dans la Symphonie n°9 « Du Nouveau Monde », donnés en extérieur dans des conditions très rudes (moins de 10 degrés). Malgré ces difficultés, celle-ci n'a manqué ni de majesté, ni d'enthousiasme. Les premiers violons se sont distingués par une belle musicalité et les cuivres par leur panache et discrétion.

Le lundi a découvert, d'abord en pointillés, le temps d'une visite musicale de l'abbaye, la jeune violoniste , 20 ans. Puis l'a vu s'affirmer dans un récital conclu par une éblouissante Variation sur un thème original de Wieniawski, maîtrisée avec un sang froid, une précision et une aspiration musicale qui lui laissent présager un avenir prometteur.

Egalement de la partie, la violoncelliste a présenté la dernière partie de l'intégrale des Suites de Bach. Après les très dispersées et décharnées Sonates et Partitas de , la violoncelliste a fait figure d'architecte. Outre un discours parfois alangui et des motifs rapides un peu expéditifs, elle a su soigner le phrasé et faire chanter les voix et les accords avec une sensibilité accrue.

En fin de soirée, le festival devait s'achever en la joyeuse compagnie du groupe Rocoveco et boucler sa saison sur un répertoire latino, festif et non moins sérieux.

Festival où rustique et raffinement se côtoient naturellement, Auberive est le creuset d'une richesse d'expériences qui vaut le détour.

Crédits photographiques : Xavier Philips et ©  ; ©

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