- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Parsifal II, le retour… vu par Stefan Herheim

Cinq ans après la sulfureuse production due au tandem Pierre Boulez et Kristof Schliengensief, le vénérable festival wagnérien se paye un nouveau Parsifal.

Certes, la scénographie du provocateur allemand avait de quoi secouer les méninges, mais elle était au moins intéressante dans sa manière de voir l'opus wagnérien devenir un acte fondateur des religions et de l'art. La réalisation de ce cru 2008 est à mettre au crédit du chef italien et du jeune metteur en scène norvégien . De ce dernier, on avait beaucoup aimé l'horripilant Enlèvement au Sérail du festival de Salzbourg 2006. Certes, le propos était osé, mais cette production témoignait du brio et du culot de ce scénographe. Timidité ou envie de trop bien faire, son Parsifal fait l'effet d'un coup d'épée dans l'eau.

Le propos est simple, Parsifal est une sorte de rédempteur de l'Allemagne : on commence à la fin du XIXe dans la villa Wahnfried (la résidence des Wagner à Bayreuth) pour traverser les deux guerres mondiales avec un Parsifal boutant les nazis hors du plateau dans une scène assez grotesque pour déboucher sur le triomphe de la démocratie lors de l'ultime acte : Parsifal faisant irruption dans l'enceinte du parlement. Forcément caressé dans le sens du poil par tant de démagogie et de clins d'œil racoleurs, le public réagit avec enthousiasme. Se greffant sur ce thème du héros rédempteur, Herheim en ajoute une couche dans l'exploration au scalpel et bistouri de l'inconscient des personnages ce qui nous vaut un acte I à la limite du lisible. Le tout étant agrémenté d'images des plus faciles : Klingsor en porte jarretelle, maître de cérémonie d'une revue de music hall ou des femmes laborieuses émergeants des ruines post 1945. La direction d'acteur est hachée et perd souvent tout effet directeur avec des gesticulations de foule sans grand intérêt. Techniquement, il faut saluer le talent de l'équipe scénique du festival qui doit maîtriser un décor gigantesque et en perpétuel mouvement (les ingénieurs de la maison on dut s'arracher les cheveux pour mettre au point certaines parties).

Fort heureusement, la représentation était portée par un niveau musical digne de ces lieux mythiques. Dans la fosse, peine encore un peu à unifier son Wagner. La gestion des tempi est assez curieuse : l'acte I est assez lent, l'acte II, semble raisonnablement enlevé, mais l'acte III est très très lent. La lenteur n'est pas un problème car le maestro réussit, aux actes I et III à habiter cette décantation du temps, seul l'acte II sonne de manière plus survolée et moins engagée. L'ultime acte prend alors des couleurs automnales avec les teintes d'un orchestre absolument impérial par le velours de ses cordes ou la précisions des cuivres. Lors des saluts, Gatti se prend une belle volée de huées, ce qui est amplement ridicule : on a tellement entendu dans cette fosse de médiocres routiniers (Adam Fischer ou Peter Schneider en tête) que l'on doit se réjouir d'y retrouver un chef de premier plan qui galvanise l'orchestre.

La distribution est composée de valeurs sûres du chant wagnérien actuel : est l'un des Parsifal du moment : la voix est héroïque et la conduite du chant parfaite même si certains aigus manquent légèrement d'éclat. est une Kundry vaillante, assez charismatique mais elle peine aussi aux limites extrêmes du rôle. assure un Gurnemanz magistral autant par la beauté de la voix que par le vécu du rôle ; au fil des ans, ce chanteur s'impose indubitablement comme un grand artiste. impose un Amfortas très humain alors que dévore le personnage de Klingsor.

Mais comme souvent à Bayreuth, le triomphateur de la soirée c'est le chœur. Autant en terme de couleurs, de puissance et d'homogénéité, la formation festivalière assure aisément son statut de «meilleur chœur du monde».

Un Parsifal musical avant tout….

Crédit photographique : © Rico Neitzel

(Visited 350 times, 1 visits today)