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Plein soleil sur Winston Choi

2008

L'espace habituellement très confiné de la salle d'honneur du Palais du Rhin s'ouvrait ce dimanche matin 21 Septembre sur des perspectives de plein air ; on avait écarté les lourdes tentures qui, la veille encore, plombaient l'atmosphère, pour laisser passer la lumière du jour et accueillir au piano cet artiste non moins rayonnant qu'est . Canadien d'origine formé au Conservatoire Royal de Toronto, est allé se perfectionner à Bloomington avec Menahem Presler, Léon Fleischer et Elisabeth Wright avant de remporter en 2002 le Concours International de Piano d'Orléans. (voir notre chronique du 7-IV-2008). Il associait dans ce récital deux compositeurs subtilement mis en regard dont la confrontation intéressante n'appelait pas forcément l'alternance systématique adoptée par l'interprète.

Les Játékok («jeux» en hongrois) de sont un assemblage de petites pièces réunies en plusieurs recueils tous liés à l'idée de l'exploration et du voyage, un voyage autobiographique précise le compositeur qu'il double d'un propos pédagogique. Dans les huit premières pièces extraites du volume VI (1990-1993) jalonné de titres divers autant qu'énigmatiques (Do-Mi D'arab par exemple), nous met d'emblée au cœur du son et de la résonance à la faveur d'un toucher extrêmement sensible et nuancé allant du simple effleurement de la touche à l'effet percussif le plus coloré sans jamais se départir d'une souveraine décontraction. Les extraits du volume VII (1994-2002) sont tous des tombeaux ou hommages à des confrères – Lutosławski, Denisov, Ligeti, Boulez…- associés à un geste pianistique ou une figure stylistique singulière, autant de miniatures finement ciselées dont Winston Choi profile l'épure sonore.

De , il connaît l'intégrale de la musique pour piano qu'il a déjà enregistrée (CD INTR 017) et poursuit cette heureuse collaboration en suscitant aujourd'hui de la part du compositeur des pièces d'une sidérante virtuosité comme Mascaret. Après Agalma (2008) – objet précieux qui serait caché dans le silène grotesque – dont le raffinement sonore égale la beauté du titre, Cités de la nuit, une pièce de 1981 révisée en 2005, relève d'une écriture sérielle dense et complexe que le jeu de Winston Choi gorge d'énergie et d'intensité lumineuse. Les quatre créations qui terminent ce récital pointent très clairement chez l'évolution d'une écriture désormais plus soucieuse d'espace et liée davantage au geste instrumental. Il modèle ses figures de résonance dans Dramatis personnae et ose le retour à la ligne dans Errante, une pièce brève d'une grande retenue au tracé fantomatique. Pour finir, Sans soleil dont il emprunte le titre à Moussorgski est une pièce d'atmosphère – voyage autobiographique à la Kurtag ? – une sorte de huit clos «gardant en mémoire la quasi-insoutenable tristesse noire liée à la mélodie russe».

Crédit photographique : © DR

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