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June Anderson, bel canto intérieur

Bien sûr la voix n'est plus ce qu'elle fut. La tessiture s'est restreinte, l'aigu et le trille sont laborieux, le grave est souvent caverneux. Bien sûr les couleurs ne sont pas lumineuses. Dans les passages virtuoses d'un répertoire bel canto, déçoit quelque peu. Les cabalettes de Sonnambula et d'Anna Bolena ne sont pas le feu d'artifice légitimement attendu.

Mais il y a tout le reste et… excusez du peu ! Une exigence stylistique sans faille, un engagement dramatique évident, une technique toujours impeccable. L'art des messe di voce trouve la diva sans rivale. Le staccato est d'une netteté parfaite, le legato tout aussi époustouflant. Pourtant, ce n'est pas le souvenir de la technicienne que l'on conservera de cette soirée, mais celui de la tragédienne. La cantatrice s'empare du texte avec une intelligence du phrasé trop souvent subordonnée à une technique destinée à éblouir. Autant l'on peut préférer aujourd'hui des voix plus jeunes et souples dans les passages virtuoses, autant le récit de Sémiramis ou la prière de Desdémone font taire nos réserves et se parent d'un parfum de nostalgie, donnent l'impression d'entendre chanter les dernières notes d'une époque révolue avec cette partenaire de Pavarotti à la scène. A l'école belcantiste de Joan Sutherland, allie l'école dramatique de Maria Callas pour livrer des exécutions passionnantes.

Passons sur les qualités de sa Norma, si souvent louées, pour évoquer celles de sa Desdémone, dont la beauté réside dans une grande pudeur. Une merveilleuse Chanson du saule n'est en fait que le prélude à un Ave Maria bouleversant. La troisième des reines Tudor de Donizetti se révèle l'un des meilleurs emplois de , tant en termes d'incarnation que sur le strict plan vocal.

La diva est soutenue par un Orchestre national Bordeaux-Aquitaine aux bois remarquables et dans son ensemble particulièrement à l'aise dans ce répertoire. L'Orchestre donne en complément de programme une revigorante ouverture du Viaggio a Reims qui lui fait pardonner une bien leste Sinfonia de Norma. Son directeur musical assure à la phalange une belle cohésion, soutient et porte attentivement sa grande soliste, qui avance un peu dans l'Histoire de la musique pour donner en bis, après avoir été ovationnée comme il se doit, le sempiternel «O mio babbino caro» de Gianni Schicchi.

Crédit photographique : © DR

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