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Turangalîlâ-symphonie, la fleur s’étiole à l’ombre de la statue

Messiaen 2008

On ne présente plus la Turangalîlâ-symphonie, déjà analysée ici et critiquée plusieurs fois depuis le début de cette année (par exemple salle Pleyel et à Dijon). C'est une pièce toujours aussi étonnante à entendre, notamment parce qu'elle relie Messiaen aux courants artistiques d'avant-guerre, tout en montrant déjà de façon éclatante l'originalité qu'il conservera jusque dans ses dernières œuvres, quarante ans plus tard.

, et (qui joue par cœur) ont tous trois connu Messiaen et sont indéniablement familiers de l'œuvre. Comme d'habitude, forçait l'admiration par une formidable virtuosité dans les passages rapides et par une magnifique délicatesse dans les chants d'oiseau du Jardin du sommeil d'amour. Le concert laissait pourtant une impression mitigée. La direction de , d'une sobre efficacité, semblait chercher avant tout une mise en place de la partition, sans qu'une autre forme d'engagement soit perceptible. Les oppositions élémentaires (thème masculin/thème féminin, son/bruit, mélodie/rythme) étaient rendues avec énergie, mais, en se souvenant que Leonard Bernstein fut le créateur de l'œuvre, on se surprenait à rêver à l'interprétation sensuelle et exubérante qu'il a dû en donner. Pour prendre un exemple, calmait le tempo pour le thème féminin, dit «thème fleur», mais n'encourageait absolument pas les clarinettes à lui conférer une quelconque expression ; ce thème prenait alors un caractère assez triste, ce qui n'est certainement pas le sentiment voulu par le compositeur, qui associait ce thème à «la tendre orchidée» et aux «caressantes clarinettes».

Le «thème statue» avait bien, lui, la pesanteur demandée. De fait, on regrettait que les alliances de timbres et les contre-chants soient le plus souvent noyés sous des cuivres tonitruants. Les ondes et le piano émergeaient de ce maelström, mais, dès que les cuivres jouaient forte, on n'entendait plus ni les cordes, au son de toute façon bien mince, ni les vents. On pourrait objecter que l'œuvre a bien un aspect «bruitiste», mais doit-elle pour autant en devenir monotone ? En outre, le son des cuivres était souvent agressif, à la limite de la laideur, et leurs attaques parfois douteuses. Il faut en revanche saluer la prestation des dix percussionnistes, constamment sollicités dans cette œuvre capitale du XXe siècle.

Crédit photographique : mains de sur un clavier d'ondes martenot © DR

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