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Jonathan Gilad sans complexes dans Brahms

Après un passage remarqué à l'Auditorium du Pharo en février 2007, était à l'affiche du premier concert de la saison 2008/2009 du Philharmonique de Marseille. Force est de constater que, contre toute attente, le démarrage fut laborieux. Dans la Symphonie n°2 de Beethoven, mis à part le finale en ré majeur, équilibré et farceur, le jeu de cet orchestre manqua véritablement de caractère et de mordant. Ce fut une vision trop uniforme sans véritable relief ni de construction interne. Cela ne pardonne pas avec une telle symphonie. Ingrate et subtile, elle requiert une tenue majestueuse et non une simple vision académique. Quelques lueurs expressives dans le Larghetto mais sans fournir l'engagement suffisant pour convaincre. Parfois hésitants, les bois ont quelque peu déçu dans le premier mouvement. Certains enchainements d'ensemble, approximatifs, laissent à penser que les répétitions ont été davantage centrées sur le concerto – qui fut une vraie réussite- car nul doute que l'orchestre sait aussi briller dans Beethoven.

interpréta avec autorité un des chefs-d'œuvre de Brahms, probablement «le nirvana» du point de vue technique – un mouvement de plus – et émotionnel. Avec une partition constamment semée d'embûches, les petites imperfections de texte surviennent parfois – même parmi les meilleurs – aussi ne boudons pas notre plaisir car il n'y en eu aucune hier soir. L'interprétation très expressive du jeune pianiste fut captivante de bout en bout. D'un tempérament pourtant intrépide et fougueux, il ne chercha pas d'emblée la performance physique ou un «combat d'Hercule». Sans manquer de puissance, il préféra doser ses effets et les graduer, optant parfois pour des parties en accords pratiquement sans pédale. Respirations judicieuses, phrasés aérés et toujours ce minutieux travail du son qui le caractérise.

Vetö parvint à rassembler ses troupes au bon moment. Le dialogue avec l'orchestre, métamorphosé l'espace d'un entracte, a bien lieu. L'Allegro ma non troppo, redoutable d'intensité, permit d'apprécier une dynamique retrouvée des cordes. Côté clavier, les décrochages nous entraînent tour à tour dans des passages poignants puis oniriques avec une ligne qui ne cherche pas à déstructurer les phrasés mais à la rendre avant tout expressive.

Comment toujours avec Brahms, l'émotion à fleur de peau est parfois à son comble et nous saisit «aux tripes». Après un Scherzo joué au fond du clavier dans un corps à corps avec l'instrument, ce fut le sublime Andante, page miraculeuse où le piano dialogue avec le violoncelle, qui nous plongea dans le recueillement.

Les effets dodelinants seront de mise dans un final emprunt de classicisme viennois. Gilad s'amusa littéralement et impressionna par sa fraîcheur physique. En mozartien confirmé, il revint sur scène donner un virevoltant final de la Sonate en fa majeur du Maître. Tempo effréné et clarté impressionnante, dans la lignée d'un Brendel ou d'un Schnabel. Devant un tel triomphe, l'orchestre se joindra à la fête pour bisser le final du concerto encore meilleur que la première fois.

Crédit photographique © Konzertdirektion Hörtnagel

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