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« et mon luth constellé… »

Nous avons embarqué à Paris, quai de Loire, sur une péniche, pour deux heures de voyage.

Un voyage dans le temps, à la découverte, aux côtés de Lully, Rameau et Gluck, de compositeurs français moins connus mais non moins passionnants. Un voyage dans le temps mais pas dans l'espace, me direz-vous, puisque la péniche reste à quai ? Eh bien si, dans l'espace. Et vous ne croyez pas si bien dire ! Pas seulement dans l'espace compris comme une certaine étendue mais dans un autre de ses sens, celui du milieu au-delà de l'atmosphère… Et il faut entendre les instruments anciens interpréter le générique de 2001, l'Odyssée de l'espace ! Il est vrai que bien des années séparent nos compositeurs de la conquête de l'espace… et pourtant. Pourtant, le temps d'un concert, L'Entretien des Muses, Marc Dumont et nous emmènent dans l'espace. Leur spectacle, Le Chant des Constellations, déjà présenté au Festival de la Chabotterie ainsi qu'à Pontoise, met en rapport musique baroque et conquête spatiale. Sur un écran est projetée une riche iconographie, rassemblée par , qui mêle vidéos de l'espace et imagerie ancienne d'un espace réel (les constellations) ou plus fantasmé, support d'anciennes élaborations astrologiques et ésotériques. Un narrateur, personnage imaginaire, un érudit humaniste qui se pique de connaître Marcile Ficin comme Georges Méliès, nous emmène dans ces contrées lointaines qu'il rapproche de la musique. Musique des sphères, musique des planètes, «et mon luth constellé / Porte le Soleil noir de la Mélancolie.» Le vers de Nerval assure la transition de l'un à l'autre monde, l'union de la musique et de l'espace, et le spectateur envoûté, «charmé» au sens propre, se laisse emporter par le texte poétique et érudit de Marc Dumont. Rarement aura été aussi admirable la cohérence d'un programme qui évoque, à travers la musique baroque, les planètes au nom mythologique, à travers Hercule (l'Hercule amoureux de Lully), Jupiter (la pièce de viole de Forqueray), Andromède et Persée (la cantate éponyme de Mouret), comme les étoiles (les pièces de clavecin de Corette).

Il ne nous reste plus qu'à nous lover dans un fauteil, à nous laisser envelopper par la voix chaude de Marc Dumont pour partir en voyage. En tragédienne accomplie, fait entendre une diction parfaite et une science du mot, de la déclamation et de l'accentuation rares. La soprano, responsable des «mardis baroques» de la Péniche Opéra, est joliment accompagnée par l'ensemble L'Entretien des Muses, dirigé par , claveciniste stylé, au frappé précis et délicat.

Crédit photographique : © Frédéric Jean

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