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Nelson Freire à Toulouse, pas de mots pour décrire la perfection

Décrire une émotion à l'aide des mots, c'est toujours ne pas rendre justice à la puissance des sentiments ; c'est traduire une impression fugace quoique indélébile en une pensée consciente fruit d'une réflexion a posteriori. Mille mots ne pourraient expliquer la sensation éprouvée grâce au jeu de Freire d'une perfection quasi atteinte. Le Concerto de Grieg, sans doute l'une des pages les plus remarquables de la littérature pianistique, trouve sa valeur dans des idées musicales si remarquables et faciles à retenir. Les mérites rythmiques de l'œuvre, la multitude d'ambiances suggérées s'inscrivent dans tous les mouvements, faisant montre de l'originalité de l'écriture du compositeur norvégien. La facture «symphonique» de ce chef-d'œuvre révèle la qualité d'un génie qui allie les élans intimistes à la gaieté de la musique populaire.

Quelle belle leçon que d'entendre un artiste capable de restituer avec une incroyable simplicité les multiples facettes d'un concerto que certains ont défini, à tort, un peu schumannien et un peu lisztien. Avec une élégance naturelle et un naturel étonnant, utilise à merveille la puissante palette sonore sans négliger pour autant la moindre nuance technique. La cadence, entièrement écrite, n'empêche nullement le pianiste d'en mettre en valeur la richesse tonale et figurative avec un accent très personnel et un élan fort original. Audacieuse dans sa conception, elle donne au piano l'éclat d'un orchestre révélant sous son apparence d'improvisation une charpente parfaitement solide, un enchaînement magistral des éléments clés du premier mouvement dans une perspective ingénieuse et prodigieusement brillante.

Le toucher subtil de Freire et son phrasé fluide s'accordent avec élégance au son de l'orchestre. Egalement impeccable, il est le protagoniste dans l'excellente exécution de la Symphonie n°5 de . Proche de la sensibilité romantique, cette œuvre profonde, empreinte d'une force immense, porte un pathos typiquement russe. La vigoureuse direction de , malgré ses 30 ans, gère avec une maîtrise étonnante et une égale facilité les différents caractères des quatre mouvements qui alternent la puissance sonore à un lyrisme parfois un peu mièvre et une bonne dose d'ironie à la limite du grotesque. Autant d'éléments qui, malgré l'apparence, cachent une grande souffrance.

Crédit photographique : © DR

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