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Jean Barraqué, enfin !

Qui était  ? Un compositeur oublié de cette génération née pendant l'entre-deux-guerres, passionné de romantisme allemand, pour qui la technique sérielle n'était que la suite logique du langage tonal. Cette biographie, parue outre-manche en 2003 (Rochester University Press) nous éclaire un peu plus sur ce créateur hors normes, à la carrière fulgurante et au caractère irascible.

Le travail minutieux de Paul Griffiths est remarquable : si les données sur ne sont pas parcellaires, le personnage est hautement complexe. On ne compte plus les personnes avec qui il s'est lié, puis fâché, à commencer par Michel Foucault. Par cette biographie, nous suivons pas à pas son cheminement esthétique, du «choc initial» causé par la Symphonie inachevée de Schubert à la reconnaissance tardive peu de temps avant sa mort, en passant pas les années fastes (création de Séquence et de … au-delà du hasard, embauche au CNRS, publication de sa biographie sur Debussy, restée depuis un ouvrage de référence, …) et les années creuses (procès des descendants de Satie contre cette biographie de Debussy, perte du poste au CNRS, rupture du contrat avec son éditeur, annulation de commandes, …).

Le style de Paul Griffiths est alerte et captivant. A l'instar de Michel Butor dans La modification, la deuxième personne du pluriel est employée. L'identification au personnage est immédiate : «Voici comment cela a commencé, Jean. Vous êtes né le 17 janvier 1928…». Ce pastiche / hommage au «Nouveau roman», courant littéraire important lors de la courte vie de Barraqué, rend la lecture de cette somme de 350 pages aux propos on ne peut plus sérieux agréable et divertissante. Paul Griffiths, sujet de Sa Très Gracieuse Majesté, a intégralement rédigé ce livre en français (la première édition britannique est une traduction de l'auteur du français vers l'anglais). Chapeau bas !

Un regret, un seul : l'absence d'analyse des six partitions (plus une œuvre de musique concrète) de ce compositeur, et donc l'absence d'explication de son esthétique créatrice des «séries proliférantes» obéissant à un «mécanisme onirique».

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