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Une nouvelle approche de Scarlatti par Andrés Cea

Connu des mélomanes depuis les années 60, grâce aux enregistrements de l'organiste américain E. Power Biggs, l'orgue du palais royal de Madrid, le mieux gardé et secret d'Espagne, reste bien rare au disque. C'est dire si cette parution nous donne l'eau à la bouche. Cet instrument magnifique, de grande taille (trois claviers dont deux expressifs), construit en plein XVIIIe siècle par le grand facteur Jordi Boch, auteur d'autres exemplaires célèbres en Catalogne et aux Baléares, a été restauré de mains de maître par Gerhard Grenzing en 1994. La chapelle du palais royal est d'acoustique sèche, mais l'orgue y résonne avec aisance et acuité. L'orgue ibérique, c'est magique et terrible, par le feu qu'il dégage, mais aussi par ses mystères et ses nuances, du plus lointain au tonitruant : «Ombres et lumières» caractéristiques des siècles d'or de l'Espagne.

C'est dans ce contexte coloré que l'organiste Andalou nous propose une vision pour le moins inattendue et originale de quelques sonates de . Certes l'auteur en a nommément cité quelques unes, grâce à des indications de jeux notés sur la partition, et qu'il destinait donc sans équivoque à l'orgue. Curieusement, ce ne sont pas celles-ci que nous entendons ici, mais quelques unes judicieusement choisies pour leur écriture polyphonique, mieux adaptées à l'orgue, bien que destinées au clavecin. Cela devient une autre musique, par les timbres, les ambiances, c'est tout le côté Madrilène de Scarlatti qui nous saute aux oreilles. Il était là et à la même époque que cet orgue, il suffisait d'y penser !

Du coup et afin de parfaire le contexte, quelques auteurs contemporains et espagnols se joignent à cette fête des sons : c'est le prétexte de la découverte. Un certain José Lidon, craquant avec ses fugues en échos portés par les trois plans sonores de l'orgue. Quant à l'interprétation de ces œuvres, elle est magistrale. Andrès Cea que nous avons déjà signalé comme l'un des meilleurs spécialistes du répertoire baroque de son pays, joue et se joue à merveille de ces pages éternelles, microcosmes magiques, en un bouquet de sonorités à donner le vertige. La prise de son sans compromis nous restitue l'orgue, comme si nous y étions, pour le plus grand bonheur de sens.

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