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Cornucopiae de Régine Chopinot : No man’s land

Cornucopiae marque à la fois la fin d'un cycle et le début d'une histoire nouvelle pour .

Dernière pièce créée par la chorégraphe en tant que directrice du Centre chorégraphique de La Rochelle, dont l'œuvre des années 2000 marquait un goût pour le sombre et l'obscur, c'est aussi la première pièce coproduite par sa nouvelle compagnie indépendante, Cornucopiae.

Dans un décor blanchâtre, une masse de corps masqués et encapuchonnés se déplace avec précaution dans une atmosphère ouatée. Leur costume, entre la cotte de maille et la tenue de cosmonaute, semble réalisé avec ce tissu d'amiante qui permettait de sortir les plats du four sans se brûler. La bande-son étouffée, comme les conversations qui se tiennent entre la terre et l'espace, est diffusée par des haut-parleurs placés dans des sphères noires suspendues aux cintres. Au sol, une masse très organique évoque la carcasse de chevaux morts.

De dos, de profil ou de trois-quarts, les interprètes tiennent soigneusement une pelle masquant entièrement leur visage. avait déjà masqué visages et corps dans ses spectacles des années 1990, comme le célèbre St Georges. Depuis, d'autres chorégraphes, de à , en passant par ou , pratiquent volontiers la dissimulation de leurs interprètes sous des pièces de vêtement. Dans une atmosphère d'outre-tombe, ce parti pris projette le spectateur vers un futur déprimant. Une fin du monde aux allures guerrières où des silhouettes anonymes, dépersonnalisées, errent dans la poussière.

Statufiés, ces personnages prennent la pose, soldats victorieux après la bataille. Derrière un pupitre ou juché sur les cadavres équins, l'un d'eux prend la parole, scandant des lettres ou une longue litanie de phrases à la manière d'un discours militant. L'humanité a souvent du mal à poindre derrière ce comportement irrationnel porté par des mouvements absurdes. La danse surgit cependant de ces déplacements erratiques et incompréhensibles.

Refusant le confort de la notoriété que lui apporteraient des pièces plus «faciles», on admire la capacité – il faudrait dire l'obstination – de , 56 ans, à poursuivre l'expérimentation chorégraphique. Elle rejoint, en cela, ses cadets, ou en tête, dans la création d'objets spectaculaires d'un nouveau genre. Des objets qui ne laissent pas indifférents, s'il faut en croire les départs intempestifs, les réactions houleuses ou les manifestations de supporters féroces observées ce dimanche après-midi dans la salle.

Crédits photographiques © J. Garcia

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