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La Création par Herreweghe, valeur sûre… sous-dimensionnée

C'est un Haydn au sommet de son art et de sa renommée internationale qui composa à Vienne à partir de 1796 ce formidable chef-d'œuvre qu'est Die Schöpfung (La Création), décrivant le Grand Œuvre divin qu'est la création du monde depuis le chaos originel jusqu'à l'arrivée Adam et Eve dans ce qui était encore l'Eden. Organisé en trois parties, succession de récitatifs, airs (y compris duo et trio) et chœurs, cet oratorio aura occupé Haydn pendant plus de deux ans, jusqu'à la création triomphale devant le public viennois au Burgtheater le 19 mars 1799, il est vrai précédée de quelques représentations privées dont la toute première eu lieu le 30 avril 1798 chez le prince Schwartzenberg. Depuis le succès ne s'est jamais démenti.

Aujourd'hui, nous en propose sa vision, accompagné par son fidèle Orchestre des Champs-Elysées jouant sur instruments dits «d'époque» et son chœur du Collegium Vocale de Gent. Les effectifs choisis sont limités au minimum requis par cette partition : une cinquantaine d'instrumentistes et huit chanteurs par voix pour le chœur. Ce qui peut être, et d'ailleurs s'avérera, un peu juste pour les grands moments qui de ce fait manqueront un peu d'adrénaline. A commencer par le fameux Chaos, géniale musique, d'une haute perfection formelle en même temps que d'une grande invention, que les interprétations sur instruments anciens ont toujours du mal à restituer pleinement. Ici, et après un premier accord des cordes un peu grinçant vite oublié, la qualité d'ensemble de cet orchestre pris le dessus, bien emmené par la conduite du discours sans faute du chef, aboutissant à un Chaos plutôt bien fait, mais acoustiquement peu impressionnant. Le son sec des timbales anciennes, beaucoup plus proche du tambour militaire que des timbales hayndiennes habituelles, donna la sensation auditive cocasse et inattendue que le futur militaire de l'humanité était présent dès le chaos initial. Superbe prémonition, mais était-ce imaginé ainsi par Haydn comme par les interprètes, pas sûr. Comme dans la «réalité» où, du chaos germa le monde, cette introduction donna fort bien le ton du reste de la soirée : du fort bel ouvrage, musicalement bien pensé, exécuté sans problèmes majeurs, ce qui montre bien le remarquable niveau de maîtrise instrumentale de ces musiciens, mais acoustiquement légèrement sous-dimensionné. Dans une salle deux fois plus petite, cela aurait peut-être été parfait.

Car musicalement il n'y avait pas beaucoup de critiques à faire devant cette belle prestation d'ensemble. réussissait à tenir la distance sans faiblir, plus à l'aise dans les passage vifs et rythmés, que dans les quelques passages lents et grandioses. De leur côté, les trois solistes furent bons sans toucher au divin. Ainsi pouvait-on regretter que la basse Yorck Felix Speer soit un peu en difficulté dans le bas du spectre, et que le ténor ait ici ou là tendance à en faire un peu trop, sans que cela ne soit trop grave pour autant. Et si la soprano n'était pas aussi angélique qu'idéalement, elle incarnait fort correctement Gabriel puis Eve.

Le concert, sur-titré en français, fut donné avec un entracte placé au milieu de la seconde des trois parties de l'œuvre, permettant ainsi de répartir équitablement le temps de chaque côté de la pause, et fut conclu par le bis du chœur final. L'enregistrement de cette soirée sera diffusée sur France-Musique le 15 décembre 2008 à 20H.

Crédit photographique : © DR

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