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Quand Jansons 2008 répond à Jansons 2007

Assister deux soirs consécutifs, dans la même salle, à deux concerts aussi différents que celui de Philippe Herreweghe hier et de Maris Jansons ce soir, nous a transportés, d'un strict point de vue sonore, d'un extrême à l'autre. Car si le premier nous avait paru sous-dimensionné, le second, plus spécialement dans Bruckner, nous a semblé surdimensionné par rapport aux conditions acoustiques, notamment dans les grands tutti où les cuivres bavarois, pourtant exemplaires, semblaient un peu à l'étroit. Ce qui montre bien le délicat dilemme purement technique auquel se heurtent les musiciens, qui, quelque soit leur talent, doivent composer avec l'environnement acoustique perfectible de nos salles parisiennes. Espérons que la nouvelle Philharmonie, si elle finit par voir le jour, apporte enfin une réponse satisfaisante à ce récurrent problème, qui justifie à lui seul son existence.

Le programme Mozart-Bruckner de ce soir était le pendant du Haydn-Bruckner par les mêmes interprètes la saison passée, Maris Jansons ayant de nouveau appliqué le bon principe consistant à faire précéder une grande symphonie «romantique» par une «classique» chronologiquement antérieure. Reconnaissons toutefois que le mariage Haydn-Bruckner s'est avéré plus évident et naturel que Mozart-Bruckner. Les deux premiers étant sur une ligne directe passant bien évidemment par Beethoven, alors que Mozart constitue une branche un peu différente. De son côté, le chef a également montré plus d'affinités avec les œuvres choisies l'an passé qu'avec celles de ce soir. Il est vrai qu'il avait placé la barre tellement haut dans la Symphonie n°7 de Bruckner et ses deux derniers mouvements d'anthologie, succédant à une brillante «Londres» de Haydn, que rééditer la performance tenait de l'exploit. Exploit qui n'eut pas totalement lieu, même si le niveau restait très élevé. Car le chef n'a pas perdu son sens des équilibres et des proportions, ni son goût pour une sonorité harmonieuse et néanmoins expressive. Mais, dans la «Linz» comme dans la « Romantique», il nous a semblé que le niveau d'inspiration comme l'évidence de ton et de caractère n'atteignaient pas les sommets de l'an passé.

Par exemple dans Mozart on airait aimé un peu plus d'énergie et de contraste à l'intérieur de chaque mouvement, et peut-être un poil plus de vigueur dans certain tempi, pour nous emballer complètement et mettre en évidence la structure et l'énergie vitale de cette musique. Car le chef a parfaitement respecté les rapports de tempi et de dynamique, a toujours favorisé des phrasés naturels, a essayé de jouer à la fois avec clarté et avec intensité, sans toutefois éviter ici où là quelques sensations de lourdeur, dont était exempte sa «Londres». Ce qui nous donna au final une «Linz» de belle tenue, aux équilibres sonores parfaitement réussis, expressivement assez sobre, ce qui en constituait en même temps sa limite. Notons que, comme la veille pour La Création, l'orchestre comptaient quatre contrebasses et des timbales spécifiques (bien différentes de celles utilisées pour Bruckner), et dans le deux cas nous avons préféré le son plus présent et expressif des contrebasses bavaroises, comme celui plus musical que militaire des timbales teutonnes. D'ailleurs on applaudira sans réserve le timbalier Raymond Curfs, qui a fortement impressionné tout au long de ce concert où il avait un rôle de premier plan.

Avec Bruckner, un tout autre univers sonore s'ouvrait devant nous, et la prestation de l'orchestre fut une fois de plus impressionnante tant en puissance qu'en qualité d'ensemble. Nous l'avons dit, Jansons n'y a pas égalé sa formidable réussite de la symphonie n°7, en grande partie du fait que son interprétation avançait par bloc successifs un peu statiques plus qu'en progression organique où chaque section sort logiquement de ce qui précède. Et s'il adaptait son tempo à chaque bloc, la transition entre ceux-ci n'était pas assez sans souple, certains passages répétitifs pas assez variés, faisant que cette musique n'avançait pas avec évidence, d'autant que la pulsation vitale, base de tout mouvement brucknérien, n'était pas aussi bien mise en évidence que dans la n°7. Le final fut le plus réussi des quatre mouvements, achevant en beauté cette lecture, un peu statique, mais fort impressionnante. Ce concert sera diffusé sur France-Musique le 9 décembre à 14h30.

Crédit photographique : © Andrej Glusgold

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