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Maurizio Pollini signe un Chopin de référence

Il est des disques qui donne au critique beaucoup de travail à recenser tout ce qu'il y a de «critiquable», et d'autres qui demande autant d'effort pour essayer de trouver au moins quelque une chose à critiquer. Et bien, le présent album de fait incontestablement partie de la seconde catégorie, désarmant toute velléité pinailleuse.

Nous avons beau écouter, détailler, fouiller dans chaque recoin de ce disque, à part Pollini lui-même (voir plus bas !), nous n'avons rien trouvé à redire sur cet enregistrement sinon qu'il est au dessus de tout soupçon sinon même au dessus de ses concurrents.

Le programme se concentre sur des opus assez proches (Op. 33 à 38), alliant une Ballade, un Impromptu, quatre Mazurka, trois Valses et une Sonate, un peu de tout donc, mais dans des climats expressifs finalement assez proches. Car à part quelques vivace, la majorité des morceaux demandent un tempo relativement modéré que réussit à habiter admirablement. Dire qu'il aborde ces «petites» pièces (et la sonate, de plus grande envergure) avec tout le sérieux nécessaire est un euphémisme. La rigueur de la conception nous mène très haut avec des choix de tempo et de phrasés irréprochables, permettant toujours l'expression juste. Et quelle qualité d'articulation ! Toujours expressive, jamais démonstrative et totalement dénuée de la moindre afféterie, avec un rubato subtil qui relève du grand art. Dans ce style d'interprétation, il égale si ce n'est dépasse le grand Michelangeli, aidé par une prise de son plus nette que celle de son prédécesseur, qui permet au piano de s'exprimer pleinement sur tout le spectre, grâce à un exemplaire équilibre des deux mains. Toujours très scrupuleux quant au respect des indications de la partition, Pollini sait utiliser toutes les nuances dynamiques demandées, en les adaptant au contexte, les marquant, avec raison, moins fortement qu'il ne le fait dans Beethoven. Néanmoins il y a dans ces pièces quelques grands crescendo (dont bien sûr ma marche funèbre de la Sonate n°2) qui sont tous magistralement réalisés par Pollini : aussi bien, on peut sans doute faire, mieux c'est difficile à imaginer.

Aussi à l'aise dans les passages retenus joués avec grandeur que dans les passages vifs à la ligne musicale toujours claire, Pollini impressionne par sa compréhension profonde de cette musique qui, sous ses doigts, devient évidence pure et surtout reste de la grande musique, là où d'autres peuvent se laisser aller au plaisir narcissique de l'effet «facile» ou de la virtuosité de façade. Rien de tout ça ici. C'est sobre, viril, droit, sans fioriture, respectueux de la lettre comme de l'esprit de la musique, et du magnifique piano en plus, bref, un disque «de référence». Où la «petite bête» est finalement Pollini lui-même. Non le musicien ou le pianiste qui sont au plus haut, mais bien le bonhomme qui, sans doute à son corps défendant, ajoute quelques douloureux bruits de respiration, il est vrai plus gênant lors d'une écoute au casque que lors d'une écoute à l'air libre. Mais c'est bien peu à côté de la qualité de ce CD, recommandé sans réserve.

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