Œuvre hautement religieuse, elle développe en dix-huit pièces, les grâces du Christ appliquées à chaque fête de la liturgie. On pourrait décrire cette œuvre comme un grand poème symphonique porté par l'immensité de l'instrument orgue. Déjà remarqué lors de précédentes versions, ce cycle s'inscrit au sommet. Marie-Bernadette Dufourcet Hakim, familière à la fois de cet auteur et de l'orgue de la Trinité, épouse immédiatement les ambiances, les climats, les intentions adéquats, afin de nous faire entrer de plain pied dans les profondeurs de cette musique. Certains numéros sont saisissants par l'impression d'éternité qu'ils engendrent (Adoro te), d'autres comme La résurrection du Christ nous enveloppent complètement grâce à toute la force de l'orgue. Le sentiment qui se dégage de cette version est que nous la sentons résolument tournée vers l'aspect mystique et intérieur de la musique, en opposition à certaines visions plus extraverties et virtuoses, qui mettent en valeur d'autres qualités de la partition.
Cela nous permet aussi d'apprécier outre les qualités de l'interprète, les sonorités inspirantes de l'orgue de la Trinité, ici en meilleure forme qu'à une époque plus ancienne où sa fausseté était des plus gênantes, même pour de la musique contemporaine. Les enregistrements anciens d'Olivier Messiaen lui-même en sont les témoins. La prise de son rend pleinement justice à l'acoustique de cette vaste église et capte l'orgue avec un recul bien maîtrisé. Avec les années, la musique de Messiaen nous semble plus accessible, plus humaine, moins cérébrale, c'est sans doute l'œuvre du temps qui fait nous rapprocher, mieux comprendre et aimer cette musique, conçue par celui qui reste l'un des plus grands visionnaires du XXe siècle.