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Mise à nu de Lady Macbeth de Mzensk

Connue par le DVD, cette production de Lady Macbeth de Mzensk de du Nederlandse Opera d'Amsterdam créée en 2006 fait escale à Paris, et restera comme un moment fort de la saison 2008/09.

Le spectateur a intérêt à mettre sa ceinture de sécurité : n'y va pas de main morte. Le livret est pris au pied de la lettre, sans approfondissement psychologique. Les personnages sont livrés crus, directs, sans fard, les situations sont d'un réalisme à couper le souffle. Le metteur en scène joue avec le corps des acteurs avec une maestria digne du théâtre contemporain le plus cruel (on ne peut que penser au Corps furieux de Jean-Michel Rabeux dernièrement à la MC 93). Concrètement, le viol d'Aksinia en est un : mise à nue, tripotée avec peu de délicatesse par tous les hommes sur le plateau, trainée par terre, … La scène d'amour, ou plutôt de baise entre Katerina et Sergueï n'a rien d'une rencontre amoureuse romantique. La bestialité est poussée jusqu'à l'exposition du drap maculé de sang. Après tout, Katerina qui se plaint de l'impuissance de son époux a de fortes chances de ne jamais avoir consommé son mariage.

A cette exposition nue des rapports humains, opte pour l'illustrer un dispositif scénique simple et efficace. Katerina est enfermée dans une sorte de prison de verre, où chacun peut l'épier. Comme seul divertissement, elle a sa collection de chaussures, symbole de son désœuvrement. Collection qui, à la mort de Zinovy (le mari) disparaît, car elle croit qu'enfin amoureuse elle sera heureuse. La cage de verre elle aussi est enlevée à partir de la scène du mariage, une liberté fugace, renversée avec les tables par l'arrivée des policiers venus arrêter le couple assassin. La scène finale, du convoi humain vers le goulag, est presque traumatisante. Les déportés errent comme les âmes en peine du purgatoire avant d'arriver en enfer… Katerina, une parvenue qui fut heureuse quand elle était pauvre, malheureuse une fois bien mariée, cherche désespérément un sens à sa vie jusqu'à son suicide final. Un destin à la Marylin Monrœ…

incarne une Katerina presque idéale. La voix est puissante et généreuse, elle domine l'orchestre quoiqu'il arrive et sait également faire des piani filés presque impalpables. Les quatre airs de l'héroïne deviennent moments-clefs de l'opéra, rares instants de répits avant le déferlement suivant. Michael König est un Sergueï rustre à souhait, cynique, violent, brutal et en bonne forme vocale. est épatante d'aisance scénique. Ludovít Ludha hérite d'un rôle ingrat qui pour une fois n'est pas sacrifié. L'ensemble des seconds rôles, dont nombre sont tenus par des solistes issus du chœur, sont excellents. Seul déçoit en Boris, la voix est courte et ne passe pas l'orchestre. En revanche, sa prestation finale en vieux déporté soulève l'enthousiasme. Le chœur est remarquable d'homogénéité et de présence.

Coté orchestral, du son, du beau son. est assurément un sculpteur de sonorités, il domine un Orchestre de l'Opéra de Paris en grande forme, mais… mais nous sommes loin de l'hystérie scénique, de l'hystérie de l'histoire. Cela reste très beau, mais très sage, sans folie. Très professionnel toutefois.

En revanche, pourquoi nombre des personnes du public toussent pendant les interludes à rideau fermé ?

Crédit photographique : (Katerine Lvovna Ismaïlova) © Agathe Poupeney

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