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Occasion manquée pour Der Wildschütz d’Albert Lortzing

C'est dommage, très dommage pour . Le maître de l'opéra comique allemand du premier XIXe, trop souvent sous-estimé, aurait mérité un retour en triomphe sur la scène de l'Opéra de Cologne.

Mais la direction a eu la mauvaise idée d'importer ce Wildschütz réinventé par Nigel Lowery, une production créée au Staatsoper de Stuttgart il y a quelques années. Sautant entre les époques sans raison apparente (de la Chine de Mao à l'Angleterre d'aujourd'hui, si nous avons bien compris), submergeant l'ironie du livret par un comique vulgaire et des gags superflus, cette mise en scène frôle la catastrophe.

Les personnages sont plus caricaturés que caractérisés, la fameuse scène de billard n'en est pas une et le pauvre baryton doit chanter son grand air en revenant d'un bordel, deux prostituées dans les bras. Sans parler de l'idée vraiment fâcheuse de préenregistrer la plupart des dialogues dans un style de cinéma années 30 difficilement compréhensible dans la salle. Est-ce la qualité de l'enregistrement, celle des hautparleurs ou est-ce même voulu que l'on a autant de mal à suivre le texte ?

Musicalement aussi, cette première a du mal à décoller. Sous la baguette lourde et peu inspirée d', le Gürzenich-Orchester manque de panache et d'esprit. En Baron Kronthal (rôle tenu par Fritz Wunderlich dans l'enregistrement de 1963 !), fait entendre une voix à l'émission étroite et courte d'aigu. Une grosse erreur de distribution. Nous montons de plusieurs crans avec la Baronne de , scéniquement un peu fade, mais bien chantée. Viola Zimmermann campe une Comtesse très convaincante, tout comme , dont la fraîcheur du timbre sied à merveille au rôle de Gretchen. Malgré un léger problème de projection dans l'aigu, le jeune Wilfried Staber réussit une belle prise de rôle comme Baculus. Il en possède la voix – à la fois sonore et flexible – et il incarne avec conviction ce personnage tour à tour drôle, boursouflé ou pitoyable, mais somme toute pas antipathique. La prestation la plus complète nous vient enfin de alias le Comte de Eberbach. Evitant habilement de ne pas trop surjouer (piège omniprésent en cette production), il est très crédible en ce personnage de coureur de jupons. Si l'on oublie quelques graves un peu sourds en dernière partie, son interprétation vocale frôle l'idéal : timbre personnel et beau, chant nuancé, émission remarquablement facile, notamment dans le haut-médium et l'aigu, culminant dans un sol-dièse aigu royal à la fin de son grand air.

Le public – qui a commencé à prendre la fuite dès l'entracte – réagit sans grand enthousiasme à la fin de la soirée. Quelques bravos pour Staber, Rohrbach et Turk, quelques huées pour le chef et le metteur en scène – voilà l'accueil réservé à cette première. Dommage encore une fois, car aurait mérité plus.

Crédit photographique : (Ebernbach) © Klaus Lefebvre

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