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Les Contes d’Hoffman à Avignon, un rendez-vous manqué?

Quel défi que de monter cette œuvre inachevée, composite, voire hétéroclite, le seul opera seria d'Offenbach !

Eric Chevalier a choisi de fonder une homogénéité sur l'unité de lieu – le foyer d'un théâtre à l'italienne -, et sur les multiples clins d'œil mozartiens tissés comme autant de fils d'Ariane (avec notamment un bel hommage au Don Giovanni de Joseph Losey). Et c'est un choix excellent, à l'instar de la jolie métaphore des cordes du violon en lieu et place du fil des Parques !

Dans ce lieu unique, à la fois fermé, comme image des échecs successifs d'Hoffman, et potentiellement ouvert sur la représentation lyrique, c'est toute l'ambiguïté entre le monde réel et la mystification, entre l'individu et son personnage, entre dédoublements et artifices, qui s'entrelace peu à peu, laissant toujours les personnages – et les spectateurs non avertis – dans l'inconfort de l'interrogation.

Interrogation d'abord dans le prologue. La mise en place, des voix et de la narration, se «cherchait» un peu ; (qui avait trouvé son bonheur, et le nôtre, dans Le Pays du Sourire, et qui sera bientôt Titus dans La Clemenza) a montré là une prise de rôle un peu hésitante, due à un reste d'indisposition. Les trois récits de ses trois amours, au long des actes suivants, ont heureusement rendu à son interprétation la consistance nécessaire, et ses partenaires, – irrésistible poupée Olympia -, Michelle Canniccioni – émouvante Antonia qui consume sa vie à chaque note – et Patricia Fernandez – séduisante courtisane Giulietta – lui ont donné une réplique fort honorable. Tout près de lui, tapi dans l'ombre ou étincelant en pleine lumière, tendant sans cesse ses filets maléfiques, le pétulant visiblement jubilait dans le quadruple costume de Lindorf-Coppelius-Docteur Miracle-Dapertutto, et à l'applaudimètre l'a emporté haut-la-main. Il arrivait de Suisse où il endossait les jours précédents ces mêmes rôles dans une mise en scène d'Olivier Py, évidemment bien différente mais tout aussi excitante à ses yeux !

Non négligeable enfin était le rôle des chœurs ; aux vingt choristes permanents s'ajoutaient presque autant de supplémentaires, à la détermination communicative. Au point de donner à la fameuse barcarolle de la fin de l'acte III une force émotionnelle que le duo initial (Nicklausse-Giulietta) n'avait pas exprimée avec la même intensité. La distribution, française ou francophone, assurait une diction convenable, excepté chez la malheureuse mère d'Olympia, , voilée et masquée… comme pour atténuer encore une voix d'outre-tombe !

Quant au jeune chef de l'Olrap, il a montré, pour sa première direction lyrique, que l'on peut être attentif à la fois à ses musiciens, aux chœurs et aux solistes sur scène. Personne n'a donc démérité, tant s'en faut, et pourtant on ne saurait applaudir sans réserve. C'est peut-être légitimement que le hit-parade des pièces lyriques boude cette œuvre atypique, qui laisse ici une curieuse impression de rendez-vous manqué. D'autant plus qu'une partie des abonnés lointains (du Sud-Ouest notamment) n'avait pu venir, faute de trains à la suite des récentes intempéries catastrophiques.

Crédit photographique : © Cédric Delestrade

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