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Hydrogen Jukebox de Philipp Glass : Ah! L’Amérique… Y’Avé América!

Une petite table sur laquelle trône une vieille machine à écrire, avec à ses pieds, un crâne à la référence shakespearienne inévitable. Quatre fauteuils verts. Deux écrans de chaque côté de la scène permettant la diffusion de courts films muets complémentaires au spectacle.

Des projecteurs de lumière. Un arrière-plan constitué de trois glaces entourées d'ampoules, rappelant les loges d'artistes. Un grand panneau en aluminium d'où ressort un croissant de lune jaune. Sans oublier les instruments : deux synthétiseurs, un piano, des percussions à droite ; une flûte, une clarinette, un saxophone et des percussions, à gauche. Voici, rapidement brossé, le décor d'Hydrogen Jukebox, l'opéra de chambre de dont l'une des créations françaises avait lieu à Dijon, dans notre très beau théâtre à l'italienne, dimanche dernier, après la 1ère représentation donnée le 12 janvier 2009 au théâtre Graslin à Nantes.

Tout commence avec quelques pas de pom-pom girls auxquelles s'ajoutent progressivement quelques notes de flûte, soutenue par une batterie et du synthétiseur. Intervient ensuite le narrateur, Eric Génovèse, excellent, tour à tour drôle, angoissant, passionné, sombre… pour présenter un portrait décapant de l'Amérique des années 50 aux années 80. Il reprend pour commencer une partie du texte La Bataille de Yahvé et d'Allah donné à l'entrée du théâtre, avant le programme, à des spectateurs quelque peu intrigués, ne serait-ce que par les premières lignes : «Yahvé a la Bombe Atomique / Allah tranche la gorge des infidèles…», texte signé par Ginsberg et Glass. Puis les vingt chansons défilent, entrecoupées d'interventions du narrateur, avec des jeux de lumière et une mise en scène savoureuses. La musique, elle, reste relativement simple, avec un matériau mélodico-harmonique très restreint, jouant beaucoup sur les ostinati rythmiques, mettant en valeur les voix particulièrement chaleureuses des interprètes, habillés la plupart du temps en tenue de soldats. Et toutes les catastrophes de se succéder, rappelant, de plus, les sujets d'inquiétude et de réflexion des Américains : «Le Bouddhisme, la méditation, le sexe, la révolution sexuelle. Il y avait la notion de corruption en politique, à la tête de l'état. On y trouvait aussi des thématiques sur l'art, le voyage, les rapports Orient/Occident ainsi que l'écologie, dont tout le monde parlait. Et bien entendu, la guerre, la paix et le pacifisme.» ()

Mais si les thèmes évoqués touchent la communauté, la solitude de l'homme face à ses problèmes individuels est également évoquée. Et la mise en scène, les couleurs, les décors, les jeux d'ombres et de lumières, les danses évoquant parfois les comédies musicales dont les Américains restent indubitablement les spécialistes, la musique à la fois simple et sensible, ont contribué au succès bien mérité et aux applaudissements chaleureux d'un public qui s'est vu offrir un sympathique bis en chanson… Mais en y repensant, il reste toutefois un goût amer face à cette Amérique déconstruite qui peut nous renvoyer à notre propre destinée…

Crédit photographique : © Jeff Rabillon / Angers-Nantes-Opéra

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