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Jeudi Saint hors du temps et de l’espace

Les jeudis musicaux des pages et chantres

En cette semaine précédent Pâques, a choisi de célébrer un compositeur parmi les plus grands, élargissant le répertoire habituel de son ensemble. est un visionnaire de génie qui fait charnière entre le Moyen-âge et la période baroque. Les larmes de Saint Pierre, une série de 20 madrigaux, magnifique œuvre testamentaire, permet de deviner la sensualité musicale en devenir.

Les pages et les chantres du CMBV ont proposé sous la direction d', une interprétation qui a laissé deviner toutes les facettes du génie du grand compositeur. Le goût pour cette musique à la fois archaïsante et nouvelle s'est traduit par une direction emprunte de souplesse et d'élégance, et un engagement vocal total. La sensualité sonore des voix de dessus a atteint une plénitude unique. La richesse des couleurs vocales complémentaires, les nuances infimes, les phrasés subtils et la sûreté des attaques ont envoûté littéralement le public de la Chapelle Royale. L'harmonie avec le soleil préparant son coucher en rayonnant sur les bois dorés de l'hôtel ont ajouté une touche de magie supplémentaire.

Afin de délicatement évoquer la semaine sainte et les leçons de ténèbres a disposé plusieurs groupes de chanteurs en divers lieu de la Chapelle Royale. Cet éloignement sonore, ce mouvement du son autour des spectateurs, mais toujours avec cette acoustique privilégiant le brillant des voix de dessus, a évoqué l'éloignement inhérent à la notion de leçon des ténèbres si prisée à la cour de France. L'inspiration de cette partition dont des extraits très variés ont été admirablement choisis, a éclaté, comme éclairée de l'intérieur, provocant une émotion contagieuse. Le soutien des instrumentistes avec un consort de flûte, un serpent et deux violes du département de musique ancienne des Conservatoires de Versailles et de la Vallée de Chevreuse a été une source de musicalité délicate supplémentaire. Apparier flûte et voix a apporté une richesse et une sûreté de son extraordinaire. Le remarquable travail d'Olivier Schneebeli et de ses pages et chantres a ce soir semblé être en parfaite harmonie avec le temps liturgique, l'esprit de la cour versaillaise et le besoin de beauté de notre époque. Le temps et l'espace ont été suspendus par l'effet enchanteur de la musique.

Au grand orgue de la Chapelle Yeon Ju Kun a offert précédemment une palette de registrations et de sonorités éclatantes dans des œuvres magnifiquement interprétées. Avec un très brillant Magnificat de Pierre Attaigant et surtout un délicat Choral mis en forme de Toccata par Sweelinck.

Un régal de musicalité inspirée et sensuelle, accompagné des rayons d'un doux soleil, restera l'impression inoubliable de ce concert pour beaucoup.

Crédit photographique : Olivier Schneebeli © Hubert Stoecklin

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