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Répertoire grahamien

83 ans après la création de sa compagnie à New York, la puissance créatrice de reste intacte. Elle revient à Paris pour trois programmes, après plusieurs années d'absence.

Devenue compagnie de répertoire, la Dance Company offre en trois soirées un programme historique, composé de pièces écrites dans l'immédiat après-guerre, mais aussi dans les dernières années de sa vie. Thème récurrent, la mythologie grecque est abordée à travers deux ballets dans le premier programme, Errand into the Maze et Cave of the Heart, tandis que le troisième programme offre Clytemnestra, un ballet d'une soirée consacré à la tragédie des Atrides.

Errand into the Maze est un saisissant duo entre le Minotaure et Ariane, qui descend seule dans le labyrinthe. Fruste, le monstre est dessiné par la chorégraphe comme un bloc uniforme et raide, tandis qu'Ariane, véritablement torturée, incarne un féminisme inspiré. Blakeley White-McGuire et Lloyd Knight sont des interprètes particulièrement convaincants.

Le second ballet inspiré de l'Antiquité, Cave of the Heart, retrace la fureur de Médée, qui tua ses deux enfants après avoir été bannie par Jason. Le quatuor, composé de Miki Orihara (Médée), Tadej Brdnik (Jason), la Princesse (Jennifer DePalo) et le Chœur (Katherine Crockett), est tout particulièrement impressionnant, avec des solistes de caractère et de physionomie très différents. Sorcière vénéneuse et rageuse, véritable serpent, Médée est stupéfiante lorsqu'elle revêt le buisson ardent de métal doré.

Cependant, comme le prouvera deux jours plus tard la reprise de Clytemnestra, spectacle d'une soirée qui retrace à coups de flash-back la tragédie des Atrides, les ballets « antiques » de apparaissent aujourd'hui beaucoup plus datés, avec leur esthétique géométrique et figée, que les danses plus abstraites, même si les décors signés Noguchi n'ont pas pris une ride. Ils offrent certes des personnages riches, dont la caractérisation chorégraphique est variée, mais souffrent de musiques pesantes (Halim El-Dabh pour Clytemnestra) et d'une lecture psychanalytique tout à fait dépassée.

Plus intemporels, donc, les ballets abstraits atteignent l'universalité en parlant de thèmes comme l'amour et l'humour. Dans Diversion of Angels, la féminité des danseuses est particulièrement mise en valeur aux trois âges de la vie amoureuse : rencontre, passion, maturité. Mention spéciale à Atsuko Tonohata, vive et primesautière, et à Jennifer DePalo, qui parvient à incarner érotisme et sensualité en traversant plusieurs fois le plateau tel un éclair. Enfin, dans Maple Leaf Rag, la dernière pièce de la chorégraphe, Martha Graham s'autopastiche au rythme du ragtime. Drôle, ensoleillée et joyeuse, cette pièce, tout comme d'autres pièces du répertoire grahamien, mériterait d'entrer au répertoire de l'Opéra national de Paris.

Crédit photographique : © John Deane

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