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Les Ballets Trockadero de Monte-Carlo : un tutu pour tous, tous pour un tutu !

Nés il y a presque quarante années, dans les soirées underground de l'»Off Broadway», les Ballets Trockadero de Monte-Carlo sont désormais une institution (qui vit seulement de ses recettes propres), tournant à travers la planète, au rythme de 130 à 140 représentations par an !

Propulsée sur les scènes «officielles» de New York à partir de 1974, la compagnie, exclusivement masculine et presque uniquement composée de gays, a toujours choisi d'associer son travail à la lutte contre l'homophobie et à l'aide aux malades du SIDA. Rappelons que bien des membres fondateurs des «Trocks» (ainsi qu'on les surnomme), ont été fauchés par le VIH, comme en témoigne la liste des danseurs disparus sur leur site internet. S'ils sont accueillis à bras ouverts à New York, San Francisco, à Tokyo ou en Europe, les «Trocks» doivent encore affronter le regard raciste et homophobe de bien des habitants de certains états américains : imaginez nos «ballerines» en tutu et aux torses poilus, égarées dans le fin fond du Nebraska, du Wyoming ou du très accueillant Texas !

Le spectacle présenté à Paris, au Théâtre du Châtelet, se divise en trois «actes», proposant des pièces devenues incontournables et une création. La première partie, l'acte II du Lac des cygnes, est l'une des chorégraphies fondatrices de la compagnie, librement inspirée du travail de . Et bizarrement, ce morceau d'anthologie mériterait d'être revisité par les danseurs : leur technique d'exception et leur humour ravageur sont désormais reconnus. Leur parodie semble aujourd'hui trop appuyée. Bien sûr on rit de la pauvre gourde qui entre à Cour au lieu de Jardin, qui s'étale lamentablement, des contre-pieds et des gaucheries… Mais (comme le démontre le reste du programme, et au vu de la réaction mitigée du public) les «Trocks» savent faire plus fin…

Après le premier entracte, l' «acte II» nous propose trois pièces que tout oppose. On découvre leur plus récente création, hilarante, d'après une partition de et une chorégraphie de . Deux danseurs, reconvertis en musiciens contemporains d'opérette, inscrivent toutes sortes de bruits (briquet, castagnettes, spray et papier-bulle éclaté) sur un fond de Cage. Cet humour décalé et corrosif colle parfaitement à celui du Maître des «pianos préparés». Puis, après un pas de deux mené avec brio, les «Trocks» nous offrent une parodie du Pas de quatre de  : une «vieille» ballerina se débat comme elle peut, entourée de trois «jeunettes», rapaces et prêtes à tout pour lui voler la vedette !

Second entracte et vient l'apothéose de l'«acte III», les célébrissimes extraits de Paquita, d'après . Et là, nous plongeons dans l'éblouissement : un humour ni trop appuyé, ni trop discret, se mêle à une déclinaison en bonne et due forme de tout le vocabulaire de la danse classique, réalisée exclusivement sur pointes ! Grands jetés, pirouettes, arabesques, fouettés sur pointes, entrechats… Tout y passe, et avec quel talent ! L'humour corrosif s'en mêle avec pertinence et la fin de soirée est un triomphe.

En bis, imperturbables et toujours en tutus, les danseurs des Ballets Trockadero de Monte-Carlo se lancent dans une exécution millimétrée d'une de ces épouvantables Irish dances, qui font salles combles dans les «Zéniths» de France et de Navarre ! Une succulente mise en abyme !

Crédit photographique : Ballets Trockadero de Monte-Carlo © Sasha Vaughn

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