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Brumes nordiques ensoleillées

L'énergique ensemble «Les Dissonances », actuellement en résidence à Dijon, termine lumineusement (!) sa saison à l'auditorium avec un concert intitulé «Visions du Nord». Quatre compositeurs nordiques sont en effet au programme, dont Grieg et Sibelius, bien connus du grand public respectivement pour Peer Gynt et la Valse triste, ainsi que deux compositeurs contemporains.

Le concert débute par la Suite Holberg dans le style ancien de Grieg, qui, effectivement, est conçue comme une suite avec l'alternance de danses principalement : Prélude, Sarabande, Gavotte, Musette, Gavotte, Air et Rigaudon, instaurant une joyeuse atmosphère néobaroque. David Grimal dirige son sympathique et jeune ensemble à cordes et joue de manière expressive – comme dans l'Air par exemple – et très dynamique, dynamisme qu'il sait transmettre tant à ses complices à cordes qu'aux attentifs spectateurs. S'ensuit une œuvre de , Terra memoria, pour quatuor à cordes. Dans cette courte pièce (environ un quart d'heure) dédiée aux disparus, la recherche timbrique est évidente et les quatre jeunes femmes sur scène font montre non seulement d'une dextérité et d'une technique indéniables, mais également d'une écoute et d'une attention certaines : les motifs qui s'enchaînent et qui tournent sur eux-mêmes font l'objet de sonorités vraiment différentes, aussi bien étouffées que violentes, mais toujours de façon dissonante et expressive. De plus, les instruments donnent l'impression de suivre chacun un chemin indépendant, ce qui, paradoxalement, implique une écoute d'autant plus attentive des instrumentistes. Un beau moment d'émotion.

Après l'entracte, retour de l'orchestre à cordes dans son ensemble avec le court morceau de Sibelius : Rakastava (L'Amant), composé de trois brefs mouvements. L'atmosphère onirique du premier, avec son thème lyrique laisse place à un passage plus dynamique dans le deuxième, avec un thème plus espiègle qui se tait lorsqu'intervient le triangle. Pour signifier l'»adieu» du dernier mouvement, un dialogue très beau entre le violoncelle et le violon plonge l'auditeur dans une atmosphère sereine. Les solistes se répondent ici magnifiquement. Ce dialogue est interrompu par une partie plus dramatique à l'ensemble de l'orchestre qui termine sur des harmonies raffinées, recherchées. Une très belle nuit intimiste magnifiquement illustrée musicalement. Dans la dernière pièce du programme, le Concerto pour violon et orchestre à cordes «Distant light» de Peter Vasks, fait sonner son violon avec autant d'aisance et de facilité que son orchestre à cordes tire des sons raffinés et précis. Le matériau de ce concerto est facilement repérable, entre le travail contrapuntique sur des notes conjointes au début et des passages rythmiques à la Ligeti ou encore des effets discrets de masses comme chez … Mais l'ensemble sonne bien, et l'auditeur entre dans ce monde aisément. Le triomphe final reste à cet égard éloquent.

Pour terminer et répondre aux applaudissements chaleureux du public, offre une pièce en solo d'un compositeur russe : Kissine, «comme le pianiste, mais avec un ‘e'» précise-t-il. Ce morceau lui était dédié. Là encore, la recherche timbrique est manifeste et l'atmosphère nuageuse de cette pièce est transcendée par le jeu lumineux de l'interprète. Un calme dissonant qui a su laisser le public sur un petit nuage de rêves…

Crédit photographique : © J. L. Atlan

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