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La première française de l’opéra napolitain Demofoonte

S'éloignant du répertoire classique, (le nouveau directeur artistique de l'Orchestre Symphonique de Chicago à partir de 2010) a proposé une pièce peu connue de l'école napolitaine, un opéra de XVIIIe représenté à Paris pour la toute première fois. Décor simple, beaux costumes, direction musicale élégante et une mise en scène sobre ont été les ingrédients de succès de ce drame en musique.

A travers des multiples métaphores, les associations de couleur (le couple Creusa-Cherinto en blanc, Dircea-Timante en rouge, le méchant Demofoonte en noir), les poses plastiques et souvent ironiques des acteurs-chanteurs, le metteur en scène Cesare Lievi a révélé son talent d'interprétation de la structure dramatique de l'opéra. Sa capacité de peindre les personnages et leurs conflits intérieurs rejoint en élégance l'interprétation musicale de . Sous sa baguette les jeunes instrumentistes de l'Orchestra Giovanile Luigi Cherubini (fondé en 2004 par le Maestro) se sont distingués pour un jeu raffiné et de haute précision technique qui a su rappeler la délicatesse et le charme du style galant napolitain.

Profondément marqué par l'étendue vocale des castrats, l'écriture de Jommelli est éprouvante pour les chanteurs actuels. Confrontés à des nombreux passages de bravoures, aux multiples ornementations, ils ont montré une étonnante technique caractérisée par la précision de l'intonation et par une ample palette de nuances. Dimitri Korchak dans le rôle principal a enchanté l'auditoire avec sa voix admirable de contreténor. Tout comme José Maria Lo Monaco a livré une interprétation passionnée et impétueuse de Timante. A l'aide d'une articulation la plus naturelle possible, la langue de Métastase est claire et transparente et la diction presque parfaite (exception faite pour les quelques «e» un peu trop enfermées).

L'un des moments les plus émouvants du point de vue dramaturgique et le plus conséquent de l'opéra s'est révélé la rencontre entre Dircea et Creusa. La grâce et l'élégance, la passion et la raison, l'arrogance et la douceur, le frivole et le maternel, le chant et le silence rivalisent avec une force envoutante. La prière de Dircea «Se io potessi dir i mali miei» (si tous mes malheurs, je pouvais te narrer) brise véritablement le cœur (pas seulement celui de Creusa) pour la passion et l'émotion qui déclenche. Les aigus de , ses envoutantes roulades, ne révèlent pas seulement sa bravoure technique mais également leur efficacité dramatique.

Quoique la durée de l'opéra ait mis à dure épreuve les spectateurs (3h40 avec deux entractes) le spectacle musical offert par a su gagner l'attention et l'approbation d'un auditoire véritablement enthousiaste.

Crédit photographique : (Creusa), (Demofoonte) © Fred Toulet / Opéra National de Paris

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