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Deutsches Symphonie-Orchester Berlin, de l’aube claire jusqu’à la fin du jour

Après les visites de la Staatskapelle de Berlin et du Rundfunk Sinfonieorchester, la prestation du Deutsches Symphonie-Orchester, mené par son chef titulaire, confirme l'excellence des « autres » formations berlinoises. Dans La mer, qui ouvrait ce consistant programme, une aube délicate et blême déployait son éventail. Par la suite, des ralentissements semblaient parfois étirer le fil de la partition, sans toutefois le rompre, et mettaient en relief la justesse des dosages et la finesse des timbres. On pouvait reprocher à cette lecture de ne pas assez recourir à la couleur ou au drame : au moins échappait-on au bariolage et aux effets météorologiques, au profit d'une sobriété naturellement poétique. Jeux de vagues convenait particulièrement à la manière du chef, lui permettant de pousser très loin l'individualisation des timbres et des épisodes.

Le Prélude de Tristan ne provoquait pas d'émotion extraordinaire : on y retrouvait l'étagement sonore apprécié dans Debussy, mais l'attention au détail prenait une tournure presque artificielle, qui ne rendait guère l'exaspération du désir amoureux. Dans la Mort d'Isolde, , venue à la rescousse après l'annulation de Deborah Voigt, ne semblait pas en très bonne forme, la voix sonnant plus sourd qu'à l'accoutumée, et ne « passant » pas toujours l'orchestre. L'art du legato et la sensibilité de l'artiste demeuraient admirables, mais, de toute évidence, ni le cadre du concert ni l'accompagnement ne lui permettaient d'approcher des sublimes incarnations qu'elle a offertes à Heiner Müller (à Bayreuth) et à Patrice Chéreau (à la Scala).

S'il est une pierre de touche pour juger une interprétation des Quatre derniers lieder, c'est certainement l'enivrante troisième strophe de Beim Schlafengehen, à partir de « Und die Seele unbewacht » : guère soutenue par un violon solo languide, y apparaissait bien désarmée dans le registre aigu. Néanmoins, la prestation d'ensemble ne manquait ni de sincérité, ni d'une beauté inhabituelle et surtout mélancolique : les derniers vers, dits avec une émouvante simplicité, avaient la paisible résignation de Ich bin der Welt abhanden gekommen. accompagnait efficacement la chanteuse, mais ne paraissait pas vraiment à l'aise dans cette musique, qu'il morcelait en séquences plus ou moins réussies.

Dans ce concert de très haut niveau, la réussite la plus incontestable était finalement le vaste Adagio, seul mouvement de la Symphonie n° 10 entièrement orchestré par Mahler. Jouant de la pureté vernissée des cordes, de l'éclat fulminant des cuivres et de la caresse des bois, plongeait sans s'y perdre dans les divagations funambulesques de ce chant du cygne, dont il exaltait la déchirante beauté.

Crédit photographique : © Mathias Bothor

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