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La Traviata avec Anna Netrebko, du bien beau chant, du bien mauvais drame

Cette production, nouvelle in loco, signée , élégante, sophistiquée (nos cocottes arrivent à la fête en Buick 1929), si belle à l'œil, dont les décors, l'ameublement et les costumes (ors, argents, diadèmes, plumes, tout y est), somptueux, reproduisent à plein l'ambiance des années 20, ses arômes Art-Déco….

Ce projet savoureux, rafraîchissant, joliment vu, mais totalement dénué d'intérêt (cette relecture n'apporte ici rien de bien neuf), impeccablement conçu il y a deux ou trois ans pour une Renée Fleming… qui l'avait refusé, vous explosent en plein nez comme un gros pétard mouillé.

Les personnages, si «personnages» il y a, sages et si bien rangés, voire guindés, et dont l'absence totale de théâtralité (gestuelle inexistante, par exemple) ne distille de bout en bout qu'un incommensurable ennui, jamais n'accrochent, jamais ne «passent», tout simplement parce qu'ils ne cherchent pas un seul instant à «caractériser», à jouer la comédie (à qui la faute ? A  ?… peut-être ).

Vous sortirez en conséquence fortement déçu de cette Traviata.

, à la voix saine et robuste, (trop ?) onctueuse, souvent ravissante (timbre lumineux ; aigu éthéré, voire désincarné ; colorisme rêveur) s'applique à ce beau chant qu'elle veut morne et prosaïque. Dramatiquement indifférente («Dite a la giovine», «Addio del passato»), notre Violetta, qui joue solo, reste de bout en bout… de glace, sans expressivité, soporifique. , ténor élégant, sobre et pudique, hautement apprécié (Le Roi d'Ys, Don Giovanni), dont l'aigu manque ce soir de franchise, de spontanéité, de violence, nuance avec goût, peaufine («De'miei bollenti spiriti» intimiste, joliment exprimé) un Alfredo qui ne mérite pas de l'être et marque ainsi cruellement ses limites.

Dramatiquement lisse lui aussi, sans grand caractère, le Giorgo Germont de Dwayne Croft s'avère constamment en porte-à-faux. Le timbre de la voix, chaleureux, plein, relativement jeune, surprend agréablement. Les rôles «secondaires», tous très convenablement tenus, illustrent à point une société égoïste et frivole, si peu charitable par nature ; notons tout particulièrement l'excellente Flora de et le solide Baron Douphol de . Taisons, par charité, le nom de la chorégraphe et de ses danseurs. L'orchestre, limpide, soucieux du détail, joue le jeu de nos trois piètres acteurs, accompagne, précautionneux un plateau d'où auront été gommées toute spontanéité, toute sincérité, toute passion.

Crédit photographique : (Violetta Valery) & (Alfredo Germont) © Terrence McCarthy

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