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Utrenja de Penderecki, l’impact choral

Le toujours prolifique et stakhanoviste label Naxos poursuit, avec célérité et efficacité, son anthologie dédiée à l'art du compositeur polonais , figure éminemment majeure de la scène musicale actuelle. Ce volume est intégralement centré sur l'imposant Utrenja. Après la Passion selon Saint Luc et le Requiem polonais, cette vaste partition s'inscrit comme un chef d'œuvre de la musique vocale polonaise.

Cette pièce est à remettre dans le contexte des années 1960. En 1962, le compositeur ose un Stabat Mater qui entre en conflit frontal avec ses précédentes réalisations qui tendaient vers l'avant-garde radicale et sans compromis. Cette partition, renouant avec un esprit traditionnel provoqua l'ire des ultra-modernistes. C'était également la première composition polonaise à reprendre un sujet religieux après l'avènement du régime communiste en Pologne (lire l'entretien avec le compositeur paru en 2006). Suite à cette expérience positive, le compositeur poursuivit l'exploration des thèmes religieux et choraux avec l'imposante Passion selon Saint Luc (1964) et avec Utrenja en deux parties (1970 et 1971). Ces deux partitions sont envisagées comme un ensemble.

Utrenja est inspirée de la liturgie orthodoxe. Créée en 1970, la première partie, intitulée «La mise au tombeau» nécessite un effectif choral et instrumental gigantesque : 5 solistes vocaux, deux chœurs et un orchestre renforcé d'imposantes sections de cuivres et de percussions. La seconde partie, nommée «La résurrection du Christ» fut donnée en première audition en 1971. Considérée comme un seul ensemble, Utrenja impressionne et intimide par sa force dramatique qui résulte de l'imposante masse vocale et instrumentale. L'orchestration, très abrupte et saillante, renforce cette impression de souffrance et de lamentation. Longue de près d'une heure vingt, cette pièce aux couleurs sombres fait l'effet d'un tableau de Francis Bacon lacéré par un Lucio Fontana : les parties à capella, torturées et angoissées, sont interrompues par des tuttis d'orchestre puissants et violents que déchainent des percussions.

et ses troupes de Varsovie tendent l'arc à l'extrême pour emporter cette fresque spirituelle et incandescente en un torrent de magma en fusion. La prise de son Naxos est précise et dynamique. Il faut tout de même noter un service éditorial frugal avec une notice de présentation exclusivement anglophone qui fait l'impasse sur le texte chanté. Un très beau disque pourtant.

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