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Lassus, l’expressive liberté musicale

Le et l' rendent un bel hommage au « Mirabile Orlando ». Ce sont ici les compositions profanes du Maître de chapelle qui sont mises à l'honneur, parce qu'elles dévoilent tout particulièrement la personnalité la plus fascinante et la plus admirée de son temps. Les œuvres liturgiques de sont donc délaissées au profit d'une l'œuvre posthume, Magnum opus Musicum, publiée en 1604 par ses fils, réunissant des motets aux thèmes variés, et ordonnés selon le nombre de voix.

Le Magnum opus Musicum, dont certains extraits sont inédits, montrent, avant tout, l'incroyable ingéniosité du personnage. Donnant une nouvelle liberté d'expression aux parties vocales, il fait dépendre la forme musicale de celle du texte. Le compositeur peut ainsi se permettre toutes les audaces structurelles : Orlande glisse dans ses textes des inventions ludiques comme celle des notes de la solmisation dans le Ut queant laxis, ou du « cantus firmus », en tirant la mélodie des paroles comme dans l'Homo qui cum honore.

L'originalité et l'humour jaillissant des motets, sont admirablement soulignés par la prestation du Chœur de Namur. De même, la prise de son laisse distinguer avec précision chaque voix et instrument, qui se superpose sans se confondre. L'ironie surgit du rythme et des accents toniques ; les voix sont chaleureuses, tout en conservant une certaine retenue par rapport aux interprétations de musique profane jusqu'ici entendues, comme celle de l'ensemble Clément Janequin. L'espièglerie ressort également du jeu des parties instrumentales, véritable cache-cache musical entre flûtes et cornet à bouquin.

L'essentiel de la riche correspondance du compositeur ayant pu être conservé, le livret du disque comporte certains extraits choisis, montrant justement à quel point le compositeur ne fait qu'un avec son œuvre. Ses lettres confirment la vivacité, voire la fulgurance d'un esprit toujours prêt aux calembours, avec un certain franc-parler et une vraie liberté de ton peu commune de nos jours.

Loufoquerie et dérision, telles sont les « humeurs d'Orlande ». L'homme de contrastes n'est pourtant pas un homme de contradictions : dans ses écrits comme dans sa musique, la conscience de la vanité du monde et de la misère humaine reste très présente. Mais quand, dans in hora ultima, l'intensité dramatique du chant côtoie l'allégresse des flûtes, Lassus nous montre qu'il pourrait rendre à tout moment son âme à Dieu dans un grand éclat de rire.

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