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Onze sonates de Haydn par Brendel, ceci n’est pas une intégrale

Une des choses les plus surprenantes concernant , c'est le nombre proprement pléthorique de ses œuvres. Pensez donc : 104 symphonies, 68 quatuors à cordes – on peut dire qu'il n'a pas chômé ! Pour autant, est-il nécessaire de tout écouter ? Nous ne le pensons pas, et la récente furie publique autour des intégrales de Mozart, Bach, Beethoven et même Brahms a fini par nous persuader que s'il est des chefs d'œuvres méconnus, il y a aussi des œuvres qui devraient rester dans les tiroirs. Aussi saluons-nous la réédition, en ce bicentenaire de la mort de Haydn, du coffret d'.

Ce maître ès piano a choisi onze sonates sur la cinquantaine existante, parmi les plus abouties et les plus originales, dont les cinq dernières, de purs bijoux ! Ce panel est largement représentatif de la manière du grand compositeur, tour à tour galant (voire à la limite de l'affecté), enjoué, moqueur, tendre, révolté, ce dans le cadre d'un discours musical toujours inspiré et renouvelé. S'il est quelqu'un pour incarner avant Brahms le principe schœnbergien de la « variation continue », c'est bien Haydn : il n'y a qu'à écouter les mouvements lents de ces sonates pour s'en convaincre.

Le jeu de Brendel, plus que familier de ce répertoire, est tout de délicatesse. Il fait sien le style résolument pudique de l'auteur, qui ne se livre qu'à de rares occasions à la pompe, notamment dans le premier mouvement de la Sonate en mi bémol majeur Hob. XVI : 52, encore qu'elle n'y est que passagère. Le résultat est à la hauteur de l'entreprise, c'est à dire colossal, passionnant, précis et soigné dans le détail autant que maîtrisé dans la forme globale.

Il est intéressant de comparer les dernières sonates avec l'enregistrement qu'en a laissé Glenn Gould. Les deux hommes ne s'aimaient guère, et pour cause : Brendel représente un courant orthodoxe (dans le meilleur sens du terme), alors que Gould fait à peu près ce qu'il veut des œuvres qui lui tombent sous les doigts, pour le meilleur ou pour le pire. Toujours est-il que leurs versions respectives de la Sonate en do majeur Hob. XVI : 50 respirent la même joie mutine, le même sourire en coin, tout en étant radicalement différentes du point de vue du tempo autant que de la conception. Peut être Gould est-il toutefois plus franc dans son approche.

Quant au récent enregistrement de , qui comprend la Sonate en do mineur Hob. XVI : 20, l'Adagio en fa majeur et l'Andante con variazioni en fa mineur, outre qu'il présente l'intérêt du timbre si particulier du pianoforte, il ne soutient pas la comparaison en regard de la maîtrise tant stylistique que technique de Brendel. Du très bon, donc, et surtout de quoi nous consoler de la retraite de ce grand artiste.

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