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Les Stars de l’Académie européenne de Prades

Festival Pablo Casals 2009

En vestes blanches ou bras de chemise, c'est selon, les Maîtres de l'Académie européenne de Prades (du 1er au 14 août) se retrouvent désormais chaque soir, après leur cours, dans l'Abbaye Saint-Michel de Cuxa, pour des concerts prestigieux en formation de chambre : piano et cordes uniquement pour le concert du jeudi 6 Août où l'on avait l'avantage de découvrir une grande partie des personnalités enseignantes de l'Académie.

En ouverture et pour rejoindre le thème fédérateur de «L'univers en musique» (Cosmophonia), le violoniste , un invité permanent du festival, jouait avec les Cinq Madrigaux-sonates dédiés à Einstein de Bohuslav Martinu. Alors qu'on demandait au compositeur tchèque comment le violoniste amateur qu'était Albert Einstein jouait ses pièces, il aurait répondu: «Relativement bien!». Ce sont cinq pièces brèves, excepté l'Andante moderato qui s'épanche davantage, évoluant selon une complexité d'écriture croissante jusqu'au Poco allegro final exploitant des irrégularités et entrechocs rythmiques quasi virtuoses. s'y attelle presque nerveusement (il tape du pied!), l'œil rivé à sa partition avec cette sonorité toujours lumineuse et très émotionnelle qu'il sait tirer de son bel instrument … «Plutôt bien», dirons-nous!

En création française, Survivants «Hibakusha» (Victimes de la bombe) pour trio à cordes du compositeur italien Fabrizio Festa est dédié aux survivants d'Hiroshima. C'est une pièce d'un seul tenant développant un contrepoint libre à trois aux allures de thrène n'évitant pas certaines errances et maladresses de parcours. Les sonorités «cuivrées» de se mêlaient à celles de Véronique Bogaerts (violon) et du violoncelliste, moins connu du sérail pradéen, Patrick Demenga.

Le concert allait crescendo e con fuoco avec le Quintette avec piano en mi bémol majeur de Schumann, une œuvre maîtresse du répertoire romantique dont la facture et la profondeur d'expression ne laissent pas d'émouvoir surtout lorsqu'elles mobilisent le talent d'un pianiste comme qui exerçait ce soir une sorte de magnétisme au sein du groupe. A l'écoute de sa partie virtuose, c'est la puissance et la couleur de son jeu autant que la sensualité de son toucher qui forcent l'admiration. Au côté de Elina Vähälä, Hagaï Shaham se distingue par un archet fougueux et une sonorité très timbrée tandis que le jeu complice de et Patrick Demenga libère des bouffées d'un tendre lyrisme dans cet ensemble touffu et exalté.

La soirée se terminait furioso et desolato à l'écoute du Trio n°2 en mi mineur de Chostakovitch (1944), une œuvre d'un itinéraire singulier (elle débute par les harmoniques énigmatiques du violoncelle) qu'empruntaient trois personnalités non moins singulières : le sémillant , actuellement super soliste du Philharmonique de Radio-France ; le fascinant et le déroutant Ralf Gothoni ; l'assurance donc d'une aventure sonore qui laisserait ses traces dans notre mémoire d'auditeur. Au service d'une pensée qui balance entre la rage (Allegro con brio) et le désespoir (Largo), le trio intimement soudé va insuffler cette dramaturgie du tragique, déployant une tension presque insoutenable dans ces instants typiquement «chostakoviens» de ressassement obsessionnel qui ne peuvent que déboucher sur l'accablement le plus morbide. Sidérant !

Crédit photographique : – DR

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