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2000 auditeurs pour la « Résurrection » de Penderecki à Dinard

Festival international de musique de Dinard

Le temps d'une soirée extraordinaire, les habitants et touristes de Dinard ont délaissé la chaleur du sable fin des plages pour la fraîcheur verte des jardins de Port-Breton, où l'Orchestre de Bretagne, le pianiste et le compositeur ont agrémenté le décor paradisiaque de pointes de sublime. Le concert d'ouverture du festival de Dinard, gratuit et en plein air, a réuni plus de 2000 personnes, un évènement exceptionnel rendu encore plus unique par la présence en personne de l'immense compositeur polonais, venu diriger la création française de la seconde version de son Concerto pour piano «Résurrection», composé en réaction aux attentats du 11 septembre 2001.

La présentation d'une œuvre contemporaine, dense et complexe, auprès d'un public pas forcément connaisseur était un sacré pari de la part de , directeur artistique du festival depuis 1994. Mais le pianiste coréen, très apprécié dans la région, ne s'y est pas trompé en faisant confiance à la curiosité et à l'ouverture d'esprit des Dinardais. L'œuvre de Penderecki, écrite dans un langage néo-romantique assez abordable, a créé une vraie émotion palpable, bien plus que la Symphonie n°8 de Dvořák paradoxalement, programmée en première partie de concert!

Les raisons d'un tel succès sont multiples, à commencer par la présence sur scène de et de Penderecki, deux immenses artistes réunis au service d'une œuvre nouvelle et vivante. Avec un Orchestre de Bretagne enrichi d'une trentaine de musiciens et transcendé par l'excitation de l'évènement, ils ont permis au public d'assister à l'éclosion in vivo d'une créature à tous points de vue impressionnante. Il y a ensuite la proximité du sujet, les attentats du 11 septembre 2001, dont le souvenir terrifiant et l'émotion tragique marquent toujours autant les esprits. Une émotion que ravive le concerto de Penderecki qui, en un seul long mouvement, oscille entre séquences martiales, visions de destruction, suspensions inquiétantes et élans d'héroïsme porteurs d'espoir.

Avec ses motifs rythmiques et ses cellules mélodiques clairement définies, la structure de l'œuvre est assez facilement reconnaissable. Son style rappelle Prokofiev, Chostakovitch et Moussorgski, tout en développant quelque chose d'assurément plus actuel, en écho aux œuvres plus expérimentales du compositeur des années 60. Une musique à caractère épique donc, sensationnelle dès la première écoute. Une partition moderne, inspirée par un évènement récent, qui nous parle dans un langage contemporain et qui répond à des problèmes de notre époque, des problèmes qui nous affectent; c'est aussi cette immédiateté qui explique sa bonne réception auprès des auditeurs, également sensibles à sa dimension spectaculaire et quasi-cinématographique.

Triomphe pour le concert d'ouverture du Festival de Dinard donc, si on met de côté toutefois la Symphonie n°8 de Dvořák, assez mal servie par un Orchestre de Bretagne visiblement en phase de déchiffrage, avec à sa tête un Penderecki stoïque et inspiré, mais bien seul. Les exigences d'un tel concert en plein air ne sont toutefois pas celles d'une salle de concert prestigieuse avec public averti, et il faut surtout retenir la démarche démocratique des organisateurs, qui ont permis à plusieurs centaines d'auditeurs d'accéder gratuitement à deux grandes œuvres de musique romantique et contemporaine.

Crédit photographique : © Richard Holding

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