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Eclectique et festif !

2009

Les portes de la Cité de la Musique et de la danse tout juste refermées au terme de la «folle journée de la contemporaine», le premier week-end de Musica s'achevait par un superbe concert donné avec une ferveur peu commune par l'excellent Orchestre Philarmonique de Freiburg et son chef titulaire . Passionnantes autant que singulières, les trois œuvres inscrites au programme révélaient une approche originale de l'écriture orchestrale par le biais d'un dispositif ad hoc.

Dans Dead City Radio, Audiodrome du compositeur italien , la source électronique (un clavier midi) intervient comme pour parasiter le message délivré par l'orchestre. C'est un court motif, bien reconnaissable, de la Symphonie alpestre de Strauss qui subit ici des métamorphoses successives jusqu'à se diluer dans un halo sonore indistinct : une façon de miner «le son philarmonique» (selon la formule de Lachenmann) pour mieux magnifier le son « en tant que matière où s'immerger » précise le compositeur. Le souffle puissant qui traverse l'orchestre donne à ce parcours sonore toute sa violence revendicatrice.

La majorité du public français découvrait ce soir la musique du jeune compositeur autrichien (à peine trente cinq ans) dont la carrière internationale semble déjà bien tracée. Disciple de à Vienne et de à Berlin, il honore les commandes des plus grandes phalanges germaniques et a créé son premier opéra, Bérénice, en 2004. En intitulant sa pièce pour deux pianos et orchestre Musik, Staud prend ses distances avec le genre du concerto et les processus d'écriture qu'il engendre. C'est en remodelant le dispositif orchestral à sa convenance (en plaçant par exemple un célesta entre les deux pianos) qu'il parvient à trouver «un langage libre, nouveau et pourtant rigoureux». Im Lichte est une partition toute en brillance, déployant un geste virtuose – les deux solistes sont très exposés – mais toujours parfaitement maîtrisé et sans effet gratuit : pour preuve, l'élégance et l'habileté formelle avec laquelle s'achève très poétiquement cette musique pour deux pianos.

En seconde partie de concert, faisait l'événement avec Karl Koop Konzert, «comédie populaire, sociale et réaliste en quatre mouvements enchaînés» ; là encore le choix des protagonistes, l'accordéon (un «trois voix musette» bien désaccordé) qui est parfois relayé par son supérieur, l'accordéon de concert et la cornemuse envahissant l'espace de ses bourdons intempestifs donnent le ton. L'œuvre est un hommage au grand-père du compositeur (Karl Koop à qui il doit ses premiers souvenirs sonores) et une dédicace à qui, sur le devant de la scène, soumet l'orchestre aux fluctuations «rances» de son instrument suranné et finit par déclencher l'hystérie populaire. Cette grande fête sonore aux relents de valse macabre (celle de Ravel bien sûr) est trouée de vides interrogateurs et terrifiants. Provocateur certes, Cavanna aime manier la dérision où le tragique affleure : pas si festif que çà…

Crédit photographique : © Georges Epp

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