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Un Mendelssohn organiste profondément romantique par Edouard Oganessian

L'approche de l'œuvre d'orgue de proposée dans ce nouvel album est résolument tournée vers le romanisme, voire le symphonisme. On a souvent dit combien cette musique devait au classicisme, voire au baroque, au travers de la figure incontournable de Johann Sebastian Bach, et combien le jeune Felix joua les fameux orgues Silbermann, qu'il aimait profondément. De nombreux interprètes ont donné quelques exemples très convaincants sur de tels instruments ou d'autres plus récents, rendant son discours encore bien ancré dans le XVIII° siècle. Pourtant c'est une toute autre musique que nous entendons là, et qui ouvre les portes d'une ère nouvelle. Il n'y a qu'à écouter ses œuvres pour piano ou ses symphonies pour s'en convaincre. Du coup l'idée d'interpréter sa musique d'orgue sur un instrument tardif de la fin du XIX° siècle est franchement une excellente idée. Nous connaissions l'approche sur nos Cavaillé-Coll français, mais cette palette sonore ne convient en fait que partiellement à cette musique. Il fallait donc rechercher parmi les grands instruments romantico-symphoniques allemands, tel que les pratiqua plus tard Franz Lizst. Le grand facteur de cette époque en Allemagne fut Eberard Friedrich Walcker (1794-1872), qui conçu un instrument capable de rivaliser avec les plus beaux orchestres symphoniques, et adapté au verbe de la musique d'orgue allemande. Tel est le cas de l'orgue du dôme de Riga en Lettonie, qui demeure l'un des ses plus fantastiques. Doté de 124 jeux, sur 4 claviers, dont un plan de récit expressif assez gigantesque, c'est un instrument monumental pour lequel Liszt écrivit une pièce d'orgue, c'est dire sa célébrité déjà bien établie dès sa construction en 1884.

Cet album nous propose les six célèbres sonates, et les trois préludes et fugues, mais également quelques pièces annexes dont certaines très inspirées (Andante en ré majeur). Pour la première fois, nous entendons une judicieuse transcription de l'ouverture de l'oratorio «Paulus», toute gorgée de thèmes de chorals qui d'adapte remarquablement à l'orgue.

L'organiste et pianiste , a fait ses études à Moscou et à Budapest. Il aborde cette œuvre par des couleurs proches de l'orchestre sur cette gigantesque pâte sonore de Riga : Une prise de son bien équilibrée, qui tout comme son interprète, fait largement respirer ces pages, dans des tempi proportionnels à un bel épanouissement du son. Le pianiste n'est pas loin, dans l'usage d'un rubato bien maîtrisé, et surtout des sons parfois lointains, sortis de ce grand clavier de récit, expressif, mystérieux et rêveur à souhait. Nous sommes comblés par un son charmeur, et finalement si près de l'esprit de cette musique. Cela nous épargne des tempi d'enfer, et des mixtures rugissantes, souvent omniprésentes dans plusieurs enregistrements, et un peu hors sujet dans bien des cas. L'équilibre sonore de ces «Walcker» convient mieux à cette littérature par les anches plus fondues dans le reste des jeux, et des mixtures, elles aussi plus intégrées à l'ensemble. Quelques jeux ondulants participent à cette fête musicale, image d'un compositeur heureux, insouciant parfois, amoureux de la vie, et qui aurait sans nul doute adoré cet orgue de Riga, qu'il n'a pas connu, mais qui lui rend ici pleinement justice.

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