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Max Reger et l’ensemble Oxalys, entre deux ères

L'abondance et la diversité de l'œuvre instrumentale de , dont font leur miel les musiciens conscients de l'intérêt d'une langue solide et originale, nous permet à chaque retour sur elle de nuancer un peu plus la perception d'un homme dont les préoccupations ne se limitèrent pas à recueillir et préserver l'héritage formel et spirituel des trois B (Bach, Beethoven, Brahms).

Digne d'accéder au Parnasse aussi bien dans les complexités rhétoriques d'une fugue que dans les harmonies d'essence apparemment plus empirique de ses pièces orchestrales, il laisse émerger une totalité qui se joue des catégories mais se laisse volontiers conquérir par des natures sensibles et en éveil telles que l' en révèle.

Ayant été comme pressenti voire investi par le troisième «B» pour «reprendre le flambeau de la musique allemande», réductible à des canons stylistiques radicaux dans leur spécificité, Reger le prolongea par certains aspects, à commencer par la constance de production dans le genre exigeant de la musique de chambre. L'inclination pour les sonorités chaleureuses, les atmosphères intimistes, les tons de confidence ou de rêverie nostalgique, s'y heurte aux impératifs de la forme puis s'épanouit chez l'un et l'autre en une sérénité acquise dans les chefs d'œuvre de leur maturité, dont un magnifique quintette avec clarinette. L'équilibre réalisé entre l'attrait sonore d'oppositions et d'harmonies de timbres (vent/cordes) et une cérébralité sobre et contenue dans la sphère de la nécessité s'accorde une dimension poétique par le jeu libre de toute contrainte qui se déploie tout au long de l'enregistrement présent.

Le prix de cette nouvelle exploration par un ensemble de très haute qualité instrumentale et morale est de nous faire sentir précisément ce que la démarche du compositeur lui permit d'atteindre : un monde pacifié reposant sur un principe de simultanéité induit, suggéré plutôt que systématiquement incarné, imposé par les sons. Si la galerie des portraits familiers des grands musiciens du passé défile sereinement devant nous, c'est à la lueur d'un moment historique précieux et salutaire : le caractère parfois violent de la succession des époques et des styles se fait oublier le temps de cette contemplation unificatrice. Dans ces pièces au charme mystérieux, entre dernier romantisme et néo-classicisme, l'alternance des techniques d'écriture et des références dont Reger disposait libère de la tyrannie de leur juxtaposition permanente, atténuant les zones d'ombre, de tourment, qui ne quittèrent jamais totalement Brahms dont une certaine grandeur tragique ne voulut certes pas s'émanciper.

L' qui dans ses voyages antérieurs (Debussy, Mahler) a montré ses affinités avec l'ère du mouvement, du devenir, s'ouvre à ces possibilités autres avec un sens inné de l'émerveillement, éloigné de tout esprit didactique.

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