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Castor et Pollux sous le signe des Gémeaux

Après la publication de Zoroastre, filmé au Théâtre de Drottningholm, voici Castor et Pollux (version de 1754), donné début 2008 par la même équipe, qui a dû adapter son esthétique à l'immensité du Muziektheater d'Amsterdam.

La captation se concentre davantage sur le jeu des acteurs que sur le décor, d'une abstraction toute conceptuelle : une armature blanche, éclairée de diverses couleurs, dessine un grand pentagone régulier, qui pivote pour ouvrir le passage vers les Enfers. Ce dispositif suggère la forme d'une étoile qui viendrait s'inscrire à l'intérieur du pentagone, une allusion à l'apothéose finale des deux jumeaux, et sans doute aussi au nombre d'or. Des panneaux mobiles descendent parfois pour ménager un espace plus réduit, mais, le plus souvent, tous les protagonistes sont présents sur la vaste scène. C'est que, malgré l'aspect moderniste des costumes et des coiffures en tresses «afro» (inspirés en fait de statues antiques), le metteur en scène s'attache avant tout à une lecture traditionnelle du drame. Il illustre par une gestuelle plutôt convenue les tourments amoureux et les rivalités entre les personnages, nous montrant Télaïre et Cléone, sa confidente, en manipulatrices dont les intrigues pour retenir Castor sont finalement vaines. La chorégraphie d' est la part la plus prenante du spectacle, véritable langage répondant à l'action, puisque les héros ont chacun leur double dansant.

La distribution est dominée par les trois splendides chanteuses, parfaitement à l'aise dans ce répertoire : , d'une beauté altière et tourmentée, , plus douce et pourtant résolue, et , voluptueuse Cléone. Les jumeaux, bons acteurs, ne sont pas à leur niveau : le chant épais et sans grâce de ne convient guère à un rôle de haute-contre, et la prononciation est pire encore. , un peu terne en Pollux, est au moins bien chantant. , et sont très bons.

Sous la direction experte de , donnent une prestation d'une haute qualité instrumentale. Toutefois, la sonorité d'ensemble, dominée par des cordes très lisses, manque de chair, et l'articulation bien huilée peut sembler trop uniforme pour les danses. Le chef se soucie plutôt d'animer les récitatifs, parfois au détriment du naturel («Le fils [pause] de Jupiter…»). Pour les airs lents, il ose des tempos très retenus, qui réussissent plus ou moins bien selon l'aisance du chanteur avec le phrasé et la langue. Les moments énergiques vont mieux, comme la mort de Castor et l'entrée de Pollux aux Enfers, grâce à l'excellente participation du chœur placé dans la fosse.

Ce spectacle, s'il n'est pas exempt de défauts, s'impose comme le choix prioritaire pour connaître la version de 1754, devant les versions de Farncombe (Erato) et Mallon (Naxos), plutôt inférieures musicalement, mais surtout privées de la dimension visuelle qui seule peut rendre justice à l'union du chant, de la danse et du drame.

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