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Don Carlo à la Scala, triste ouverture !

C'était le spectacle d'ouverture de la saison 2008 de la Scala, donné, comme chaque année, le jour de la Saint Ambroise et diffusé en direct sut les télés du monde (Arte était de la partie). Hardy que l'on connaissait plutôt comme un éditeur de captations historiques et de productions de scènes italiennes secondaires amorce une collaboration avec la prestigieuse Scala.

Fort malheureusement, cette soirée ne mérite pas une édition en DVD. Le désordre est autant musical que scénique et seul , dans un grand jour, parvient à imposer une structure à une soirée qui prend l'eau de toute part. Le métier et l'assurance du chef milanais lui permettent d'offrir une lecture dramatique et très travaillée du chef d'œuvre de Verdi. Sa direction se fait puissante et tendue, mais il sait jouer des nuances et des couleurs d'un orchestre de la Scala qui joue Verdi comme on joue Beethoven à Berlin. C'est le style et l'archétype même du grand chef verdien : une pogne de fer dans un gant de velours.

Le premier point noir provient de la mise en scène de qui n'a aucun intérêt. Ce scénographe que l'on a connu si souvent inspiré, ne sait pas quoi faire de l'œuvre et des personnages. Favorisant le drame personnel des protagonistes sur des individus écrasés par le poids de l'histoire, l'homme de théâtre ne parvient jamais à imposer une lecture convaincante de l'œuvre. En dépit de quelques bonnes idées, comme ces doubles enfantins de Carlo, Posa et Elisabeth, les chanteurs errent sans but sur le vaste plateau milanais. Les costumes sont certes somptueux mais ils jurent dans l'abstraction aride des décors avec même parfois un côté «caricature d'opéra» à l'image de la scène du bûcher devant la cathédrale de Valladolid (où tout le monde semble s'ennuyer ferme !) pompeuse et toc !

Côté vocal, la distribution alterne vieux routiers et jeunes premiers. Autant les premiers (avec parfois de beaux restes) que les seconds (cruellement inquiétants sur l'avenir du chant verdien) ne composent un plateau à la hauteur de l'enjeu et du prestige de la scène. Du côté des anciens, s'en sort avec grandeur et style et compose, avec émotion et musicalité, un roi épuisé par des années de pouvoir et vaincu par les évènements. , grande Eboli des scènes internationales, connaît les moindres recoins du rôle et sait mobiliser ses moyens, somme toute moins vaillants qu'avant, pour livrer une interprétation pertinente. est lui, peu à son aise, en grand inquisiteur et force constamment une voix très engorgée. Du côté des jeunes, , est un Don Carlo pénible avec un timbre disgracieux et une voix instable (à la limite du supportable aux actes I et II) ; il en va de même pour Dalibor Jenis moins médiocre et caricatural mais bien peu pertinent. Présentée comme une voix verdienne majeure, est la seule à offrir un beau timbre et une musicalité sensible. Cette modeste distribution semble paralysée par l'enjeu et se montre encore plus désordonnée aux deux premiers actes de la pièce. Le métier de certains artistes leur permet tout de même de remonter la pente et de livrer des actes III et IV mieux concernés mais seulement passables au regard des exigences de l'œuvre.

Si les captations d'opéras sont rarement géniales et souvent passe-partout, celle-ci est un contre-sens musical absolu avec une succession de gros plans qui se focalisent sur les couches de maquillage et les barbes ou perruques postiches des artistes. L'ensemble donnant de l'opéra un cachet irrémédiablement ringard ! Les équipes de la RAI semblent tellement avoir perdu l'habitude de filmer de la musique qu'elles enfilent les clichés et la médiocrité !

Un DVD à éviter alors que l'on attend toujours la grande version moderne de la pièce sur ce support mais qui pose des questions sur le sérieux d'une scène comme La Scala incapable de mobiliser des moyens à la hauteur d'une telle œuvre.

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