La création lyrique américaine, après Copland, Bernstein, Barber ou Menotti, serait-elle en panne ?
Mis à part l'effet de surprise de Susannah de Carlisle Floyd (découvert en France il y a une quinzaine d'années par l'Opéra de Lyon) et le désopilant The Ghosts of Versailles de John Corigliano, bien peu d'œuvres lyriques récentes d'outre-Atlantique semblent convaincantes – John Adams excepté. Jackie O de Michael Daugherty s'inscrit dans cette lignée de pièces conçues sur un livret solide mais parées d'une musique indigente.
L'idée de départ ne manque pas d'originalité : Jacqueline Lee Bouvier, veuve Kennedy, est une Orphée au féminin, partagée entre la volonté de vengeance contre un mari volage et le désir de le retrouver. L'opéra retrace sa rencontre avec Aristote Onassis, l'abandon par ce dernier de Maria Callas, puis la confrontation entre les deux rivales, qui, en lutte contre les paparazzi, finssent par se réconcilier. Le tout sous le regard commentateur d'Andy Warhol, Liz Taylor et Grace Kelly en coryphées et du traditionnel chœur de la tragédie antique.
La réalisation scénique ne manque pas de piquants. Les décors très colorés de Paolo Fantin et les éclairages subtils de Damiano Michieletto – qui assure aussi la mise en scène – recréent les intérieurs bourgeois ou les bars à la mode du New York «Pop Art» de la fin des années 60. Le chœur, souvent sollicité, est de bonne tenue, l'orchestre est fermement mené par Christopher Franklin, le plateau vocal est de haute volée, dominé par Fiona Mc Andrew et Nora Sourouzian – cette dernière dans le redoutable rôle de Maria Callas, qu'elle ne cherche pas à imiter.
Mais la musique de Michael Daugherty ne marche pas. Ersatz de comédie musicale, de jazz et de post-romantisme, malgré une orchestration inventive respectueuse de la voix, cela reste désespérément plat et uniforme. Le sujet méritait un traitement musical plus inventif.