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Leçon de délicatesse sur clavier avec Grigory Sokolov

Qui peut imaginer immédiatement le jeu de à la seule mention de son nom ? Contrairement à Pollini, à Brendel, à Barenboïm — et combien d'autres encore ? — il est très difficile de visualiser comment ce maître, mal connu au public, joue sur scène. Et pourtant, «depuis la disparition des Arturo Beneditti-Michelangeli, Glenn Gould et Sviastoslav Richier, il est aujourd'hui le plus grand pianiste vivant», précise Bruno Monsaingeon, réalisateur de ce film.

Ce récital, enregistré en public le 4 novembre 2002 au Théâtre des Champs-Elysées, se déroule sous le signe de la délicatesse. Le contact des doigts avec chaque touche du clavier s'effectue comme si le pianiste caressait un trésor infiniment précieux. Sokolov ne se départit jamais de cette préciosité intime, même en interprétant des sonates de Beethoven et de Prokofiev, pour lesquelles de trop nombreux musiciens proposent une vision extrêmement robuste et brutale. Mais son interprétation n'est pas pour autant dénuée de force ni d'intensité dramatique. Le 2e mouvement de la Sonate «Pastorale» de Beethoven en est une excellente illustration.

Dans le programme, nous entendons, pour la première fois pour la plupart des mélomanes, Six Danses pour piano de Komitas Vardapet, compositeur, ethnomusicologue et ecclésiastique arménien (il a sa statue Place du Canada à Paris), qui vécut entre les deux siècles derniers. Très simples, ces Danses sont le fruit de ses travaux sur le patrimoine musical de son pays. La partition demande ainsi à l'interprète l'imitation du syrinx, du tambourin ou d'instruments locaux.

A ces petites pièces presque minimalistes succède une flamboyante exécution de la Sonate n°7 de Prokofiev, jouée de telle façon que son premier mouvement donne la curieuse impression d'un prolongement des Danses de Komitas, malgré le contraste fulgurant de caractère entre les deux œuvres. Un choix de programme merveilleusement ingénieux, dont seule une sommité artistique pourrait avoir l'idée.

De temps à autre, on voit l'artiste éclairé par une très faible lumière, encadré par les deux colonnes dorées qui délimitent la scène de l'Avenue Montaigne. L'image est tellement superbe qu'elle évoque une toile de peinture, œuvre d'un autre génie, celui du réalisateur.

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