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Rachmaninov & Stravinsky par Patrick Davin

Orchestre philharmonique de Liège

Dans le cadre de son cycle de concert intitulé «l'Ame Russe», l'OPL portait au pupitre la Symphonie n°2 de Rachmaninov. Loin du terrible échec rencontré par la Symphonie n°1, cette œuvre, dont la durée (environ une heure) aurait pu en effrayer plus d'un, a connu un succès immédiat et égal à celui rencontré par son Concerto pour piano n°2. En guise de mise en bouche à ce monument, l'orchestre présentait le Concerto pour violon d'un contemporain de Rachmaninov : .

Exploitant les archétypes formels de l'écriture baroque, ce concerto fait la part belle à la technique dans les mouvements extérieurs autant qu'elle sollicite de la part de l'interprète un talent de narrateur dans les arias centrales. Yossif Ivanonv, second lauréat au Concours Rein Elisabeth en 2005, s'acquitte sans peine de cette tâche. Il obtient de son instrument (un violon Stradivarius de 1699) un son rugueux et chaud, idéalement complémentaire à la rythmique complexe structurant l'œuvre. L'acoustique de la salle philharmonique de Liège généralement favorable à la formation, apparaît cette fois réverbérante, tendant quelques pièges à la petite harmonie. Ainsi celle-ci manquait-elle d'une certaine rigueur rythmique indispensable dans ce répertoire. Le sommet de la performance d'Ivanov reste sans hésitation la seconde aria, d'une troublante sensibilité. Enfin, le Capriccio final nous rappelle que le compositeur a été l'auteur du Sacre du Printemps, emportant le violoniste et l'orchestre dans une danse convulsée. En bis, le violoniste propose un autre Capriccio, cette fois-ci de Paganini.

En 2007, dirigeait la Symphonie n°1 de Rachmaninov avec la phalange liégeoise. Le chef d'orchestre Belge, dont la carrière se partage avec un égal succès entre l'opéra et le concert, affrontait la Symphonie n°2 en seconde partie de concert. Sa lecture se révèle très attentive aux indications du compositeur, usant du rubato avec parcimonie et laissant la musique s'animer de manière fluide. Il nous permet de visualiser chacun des méandres sinueux dans lesquels serpente le thème unique de l'œuvre, dont le premier mouvement évoque des atmosphères proches de l'inquiétante Ile des Morts. On peut rêver de cors plus rutilants dans l'Allegro-Molto, mais saluons plutôt la qualité de la balance entre les pupitres, apportant un relief bienvenu dans ce bouillonnant fandango. Le troisième mouvement, généralement déclencheur d'épanchements langoureux excessifs, trouve chez un interprète de premier choix. Elégance et style résonnent à travers ses phrasés qui ne trahissent aucune difficulté de respiration dans des pages pourtant éprouvantes pour le musicien. Enfin, l'Allegro Vivace final voit , architecte méticuleux de cette symphonie, entretenir soigneusement la tension latente de ce mouvement avant de laisser l'orchestre exploser dans les dernières mesures.

L'excellente performance de l'orchestre et de son chef recevront de très vifs applaudissements de la part d'une salle comble consciente de la qualité du travail présenté ce soir.

Crédit photographique : © DR

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