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Cycle Strauss de Guy Joosten : Elektra

Il est certains spectacles qui restent dans les mémoires, qui suscitent un intérêt, une curiosité bien au-delà de la durée de la représentation.

La co-production entre le Liceu de Barcelone et la Monnaie présentée actuellement à Bruxelles est de cette trempe. (également chargé par La Monnaie de mettre en scène Salomé la saison prochaine) signe en effet un spectacle remarquable à plus d'un titre. Le décor est relativement simple mais son impact demeure puissant : l'arrière-cour d'un impressionnant palais, ceinturé de palissades métalliques et de fûts à l'abandon. L'esthétique du plateau et les uniformes militaires revêtus par les «servantes» évoquent une période fasciste dont la perversité intrinsèque résonne avec intelligence avec les vers de Sophocle. Lorsque la dramaturgie s'écarte volontairement du livret, on remarquera qu'elle parvient à doper le récit pour le mener vers des sommets de sauvagerie. Et ce, notamment dans un tableau final ahurissant, qui focalise la fin de l'œuvre sur le personnage d'Oreste. Le plateau resté statique sur l'ensemble de l'œuvre laisse alors apparaître l'intérieur du palais où l'on aperçoit Oreste, frère vengeur dominant les innombrables cadavres amoncelés des membres de la cour de Clytemnestre et Egysthe.

Glaçante, la lecture du chef d'orchestre l'est tout autant que la mise en scène. Le chef exploite avec brio les forces telluriques de sa fosse d'orchestre sachant déployer une machine infernale mais aussi la laisser s'évanouir au bénéfice de ses chanteurs. Les cordes sont particulièrement brillantes, dominées par les contrebasses somptueuses, tout comme les bois, relativement homogènes dans leur expression malgré l'orchestration infernale de Strauss tendant à démultiplier les pupitres. Seuls les cuivres auraient pu apporter d'avantage de mordant à l'expression de l'orchestre.

Enfin, le plateau vocal achève de nous convaincre par sa cohérence. C'est qui endosse le rôle d'Elektra. La chanteuse, habituée des rôles wagnériens et straussiens s'impose sans peine face à la fosse d'orchestre. Le timbre sévère de la chanteuse apporte au personnage son aura ténébreuse même si quelques aigus se révèlent hasardeux. A l'opposé, la Suédoise Annalena Persson illumine le plateau en incarnant Chrysothemis. Beauté du médium et facilité de projection sont des qualités qu'elle partage avec , très applaudie pour son interprétation de Clytemnestre. Charismatique, est «la» voix masculine de cette soirée, éclipsant totalement la prestation de , campant un Eghyste résolument terne. Les seconds rôles sont distribués avec raison, participant également à la réussite de cette production.

Crédit photographique : © Bernd Uhlig

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