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Sans le baiser de Tosca

Retour aux sources à l'Opéra de Montréal, qui voulait souligner ses trente ans d'existence, en remettant à l'affiche l'histoire tragique de Floria Tosca.

Force est de constater que cette production qui vient du San Diego Opera, a bien des défauts et déçoit. La production évolue – si l'on peut s'exprimer ainsi – dans des décors signés par le concepteur français , (toujours en service, apprend-on dans les notes du programme et qui fait ses débuts à la compagnie !) des costumes de l'OdM–Malabar et des éclairages d'Anne-Catherine Simard-Deraspe. La mise en scène a été confiée à , connu pour ses Turandot (1997), Madama Butterfly (2002) et autre Roméo et Juliette (2007) toujours pour la maison. L' et le Chœur de l'Opéra de Montréal sont dirigés par le chef .

La mise en scène se veut traditionnelle, mais démontre outrageusement une ignorance, voire une indifférence aux impératifs scéniques. Tous les personnages en souffrent et semblent sans cesse fourvoyés dans les différents lieux. Certains se retrouvent sur scène, quand ils ne devraient pas y être ; des religieuses se sont égarées au deuxième acte dans la chambre de Scarpia ! Autre détail, la toile représentant Maria-Magdeleine est d'un goût douteux et fait penser à ces peintures à numéros à bon marché.

Deux chanteurs font leurs débuts à la compagnie : la soprano germano-italienne , d'un physique agréable, elle n'a cependant ni le tempérament de feu de la cantatrice romaine, ni la véhémence qui en ferait une Tosca de race. Si nous sentons la jalousie maladive de la femme au premier acte, il lui manque ce mordant, les griffes qu'un tel rôle exige. Que de paradoxes chez cette femme à la voix angélique et sans grand relief, qui tout à coup, non contente d'assassiner son agresseur, folle de rage, le saigne, le dépèce, le met en bouillie. Auparavant, il faut reconnaître qu'elle avait donné le fervent «Vissi d'arte, vissi d'amore» de haute tenue, comme une offrande au public. Retenons, au final le plongeon de Tosca, sans rebondissement. Quant au ténor canadien , son amant, le peintre Mario Cavaradossi, dont la médiocrité du timbre le dispute à l'envi à l'indigence scénique. Un ténor aux petits pieds, qui se frotte à un rôle beaucoup trop lourd pour ses moyens modestes. Le timbre grêle, à la voix toujours voilée, ne s'émancipe guère dans ses deux airs, particulièrement dans le célébrissime «E lucevan le stelle». À leurs côtés, pour sauver la mise, le baryton-basse américain impose une forte présence scénique et un talent d'acteur. Il incarne, comme il se doit, le sinistre Scarpia. Efficace et crédible à la fois, il est le seul, parmi les protagonistes, à sauver la mise. Les seconds rôles sont bien tenus.

Le chef dirige un qui a bien du mal à rendre justice à l'œuvre de Puccini. Que de tempi trop lents, trop lourds. Que de fourvoiements du côté de l'orchestre, particulièrement des cordes, d'une langueur qui met en péril les chanteurs mêmes. Faut-il rappeler Tosca trente ans auparavant ! En octobre 1980, Charles Dutoit dirigeait l'O. S. M., incarnait Cavaradossi, Garbis Boyagan était Scarpia et prêtait sa voix à Tosca. Enfin, Robert Savoie, le Sacristain et en Angelotti complétaient l'ensemble. Jean Gascon assumait la mise en scène, dans des décors de . Une autre époque.

Crédit photographique : (Tosca) & (Mario) ; (Tosca) & (Scarpia) © Yves Renaud

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