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Entracte de Josef Nadj : Oriental, mais pas zen

Au début était le son : note tenue des cordes, résonance des gongs… On pénètre dans un monde rêvé, oriental pour notre imaginaire.

Des trompes tibétaines, des gongs de temples bouddhistes nous viennent à la mémoire. Tout débute comme une étrange cérémonie : on voit sur scène une femme de dos, immobile, dans une robe blanche, au milieu de quatre musiciens qui sont absorbés dans la recherche du feeling qui les réunira. La pièce Entracte peut alors commencer.

Elle se déroule avec quatre musiciens, percussionnistes, contrebassistes ou saxophoniste comme le compositeur. Ils entourent trois danseurs qui peuvent être amenés à manipuler des objets étranges, ciseaux, scies, lances en bois. Pieds nus, ils sont vêtus de costumes masculins noirs et évoluent sur des praticables transformables. Des performances picturales étranges surgissent parfois, telle la femme pinceau qui écrit un tableau avec ses pieds teintés de sang. Parfois même les danseurs deviennent des personnages fantomatiques sans visages. Tous les arts deviennent alors arts de la scène.

En effet est un curieux touche-à-tout. Il a étudié les arts plastiques et pratiqué les arts martiaux, et il est aussi un photographe reconnu. Il s'intéresse de près aux philosophies orientales et en ce moment il découvre l'ornithologie et la culture du cépage de tokay… Depuis 1995 il est directeur du Centre Chorégraphique National d'Orléans qui produit Entracte : il n'est pas étonnant que le festival Art Danse l'ait invité à Dijon. Il danse lui-même dans cette œuvre, prestation qui réclame de ses interprètes des attitudes très diversifiées, souvent athlétiques, et des postures qui évoquent parfois même les arts martiaux.

Il a visiblement conçu ce spectacle complet en le considérant comme un retour sur soi, une sorte de pause dans un parcours professionnel agité. S'appuyant sur le Livre des Mutations qui explique la philosophie antique appelée Yi Jing, le chorégraphe nous propose une pièce qui dure symboliquement soixante-quatre minutes, c'est-à-dire le nombre qui correspond au nombre d'associations possibles des huit trigrammes de base. Chaque groupe de trois traits représente les éléments essentiels de l'univers, chaque groupe de figures est dépendant des autres, définissant des attitudes face à la vie, accablement, colère, repli sur soi, etc.

C'est sans doute la raison pour laquelle la musique d' a été composée en même temps que la chorégraphie : des tempi méditatifs vont souvent de pair avec des gestes lents et harmonieux, alors que des déchaînements sonores provoquent des gestes saccadés, des affrontements, ou même une sorte de déshumanisation des danseurs, qui s'exprime avec des gestes introvertis. Nous pénétrons en quelque sorte dans un rêve, et nous voyons défiler devant nos yeux un genre de poème à l'écriture automatique. On sort de ce paysage comme on y est entré : le cercle se referme, tout peut recommencer, à la fin est le son primordial.

Crédit photographique : © Jef Rabillon

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