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Le Vaisseau Fantôme à Amsterdam : la croisière pleure ?

Le scénographe autrichien avait marqué le public amstellodamois par sa régie inoubliable de Lady Macbeth de Mzensk, immortalisée en DVD, présentée en juin 2006.

L'homme de théâtre était ensuite revenu, en 2007, avec des Gezeichneten de Schreker, moins aboutis. Martin Kusej était donc attendu au tournant avec cette nouvelle production du Hollandais volant ! Force est de constater, que comme tous les dramaturges modernes, Kusej a ses tics de production : une violence sociale exacerbée, une attirance pour les personnages opprimés et une volonté de disséquer au scalpel les relations et les tensions entre les personnages. Son approche de cet opéra de Wagner est intéressante, soulève des questions, suggère des pistes, mais reste souvent brouillonne dans ses idées et téléphonée dans ses réalisations.

Ainsi, les marins du navire du Hollandais deviennent des clandestins égarés sur des rivages paradisiaques où festoient des touristes uniquement intéressés par leurs divertissements et leurs apparences physiques ! Pas de pitié pour les faibles dans cet univers aussi fragile que superficiel où Erik devient un chasseur de clandestin et un criminel tuant Senta et le Hollandais à la fin de l'opéra…Le concept, pas stupide d'ailleurs, s'évente assez vite même si la direction d'acteur évite tout ennui. Au croisement de nombreuses d'influences et encore embryonnaire pas rapport aux développements ultérieurs du compositeur, le Hollandais est incontestablement une œuvre très délicate à mettre en scène. En se souvenant de nombreux désastres scéniques (la précédente production de La Monnaie de Bruxelles était ainsi un ratage scénique complet !), il est légitime, malgré des défauts, d'apprécier le travail de Kusej.

Dans la fosse, l'immense retrouve son orchestre fétiche avec lequel il a marqué les Nederlandse Opera de tant de prestations exceptionnelles. On ne dira jamais assez à quel point ce musicien est l'un des plus grands wagnériens actuels. Refusant les effets faciles, il replace cette œuvre dans son époque, dirigeant nerveusement et adaptant la matière orchestrale avec flexibilité : la ballade de Senta, véritablement narrative, est ainsi accompagnée avec une délicatesse passionnée et transparente alors que les épisodes spectaculaires sont cernés avec dramatisme et tension. L'orchestre néerlandais offre, comme toujours, une variété de couleurs et une précision des pupitres que peu d'orchestres atteignent dans Wagner. On admire tout particulièrement le galbe des cordes ! Le chœur du Nederlandse Opera montre les grands progrès accomplis sous la direction de . Peu ménagés par le compositeur, les chœurs s'avèrent ici puissants, homogènes et proposent une large gamme de couleurs et d'inflexions.

On connaît les difficultés actuelles à réunir des distributions wagnériennes d'anthologie et l'opéra batave parvient à proposer un plateau solide et probant. est un Hollandais crédible malgré un timbre un peu râpeux et banal, mais l'artiste sait mobiliser ses moyens et parvient à tenir le rôle de bout en bout, même si il connaît un léger passage à vide au milieu de l'œuvre. Plutôt nourrie d'opéras baroques, de Mozart, et d'œuvres italiennes, l'Américaine présente une voix plutôt légère mais convaincante grâce à une flexibilité vocale de haut vol. De plus en plus enrayé et engorgé, le vétéran mobilise ses moyens et impose un Daland, parvenu pathétique, qui s'intègre bien dans la vision du scénographe. Les petits rôles sont très bien distribués avec un Steuermann à la voix agile et délicate.

Sans être le Hollandais volant de ce début de siècle (existe-t-il d'ailleurs ?), cette production tient son rang et mérite l'intérêt portée par un chef magistral et grandiose.

Crédit photographique © A. T. Schaefer / Nederlandse Opera

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