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Pari réussi à Nantes pour Lucio Silla

Angers Nantes Opéra et l'Opéra de Rennes s'associent dans une entreprise courageuse : donner vie scénique à l'opera seria d'un enfant de seize ans, un certain .

La valeur n'attend pas le nombre des années, affirme-t-on couramment, mais si tous les ingrédients des chefs d'œuvre à venir sont déjà réunis, la recette n'est pas encore tout à fait finalisée. De plus, le strict respect des codes du seria propose un défi au metteur en scène dans cette préfiguration de La Clémence de Titus.

, après une brillante version in loco de L'Etoile de Chabrier, relève brillamment le pari. Elle s'appuie sur un dispositif efficace, circulaire et pivotant, évoquant un univers clos puis s'évidant pour camper la chambre de Giunia, ainsi que sur des éclairages virtuoses jouant pertinemment des ombres. Les costumes, réussis, sont impersonnels, correspondant à un parti pris assumé puisque le pistolet remplace le poignard. Ce qui compte n'est pas le contexte historique, mais la thématique de la clémence. Très inventive dans sa direction d'acteurs, trouve des solutions pour meubler la scène, sans jamais manquer au meilleur goût. Elle fait également preuve d'un remarquable sens de l'image dans un travail remarquablement esthétique, et sait le poids d'un regard ou d'un geste.

La distribution est de très bon niveau. Nous placerons au sommet Jaël Azzaretti, véritablement époustouflante. Que louer, de la fraîcheur du timbre, de l'aisance scénique, de l'adéquation stylistique, de l'impact du registre aigu ou de l'aisance des vocalises ? «Nel fortunato istante» est un modèle de chant mozartien et «De piu superbi» un instant de grâce. A ses côtés, est une révélation, par un timbre irisé aux reflets tantôt clairs et tantôt fauves, une touchante musicalité, des piani irrésistibles et une grande facilité à la vocalise. «Il tenero momento» constitue un délice, tandis que «Pupille amate», délivré avec de somptueuses nuances, nous bouleverse.

Le rôle de Giunia est des plus périlleux, avec ses vocalises longues et sa tessiture étendue, sollicitant fréquemment le suraigu. Habituée des grandes scènes européennes, relève facilement le gant. Son chant est stylé, brillant et engagé. Les duos avec Cecilio témoignent, de plus, d'une réelle harmonie. Le rôle titre, assez peu flatteur, est solidement tenu par l'élégant ténor roumain Tiberius Simu. Céleste Lazarenko fait honneur au rôle de Celia, malgré quelques aigus métalliques. Il est sympathique enfin de retrouver , figure tutélaire de la renaissance baroque, qui dote Aufidio d'une silhouette inquiétante.

nous emporte dès l'ouverture, vive et colorée. Il sait faire entendre tout ce qui, dans cet essai de jeunesse, témoigne déjà du génie mozartien. Attentif aux chanteurs, il n'en n'est pas moins capable de mettre en valeur les pupitres d'un orchestre dont la valeur n'est plus à démontrer. Les chœurs, préparés par , sont irréprochables et contribuent au succès public d'une production de très haut niveau.

Crédit photographique : Jaël Azzaretti (Giunia) ; Jaël Azzaretti (Giunia) & (Cecilio) © Jeff Rabillon / ANO

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